mardi 5 août 2014

Man of Steel (2013)


Après l'échec de Superman Returns de Bryan Singer en 2006, Warner Bros suspend temporairement l'idée de produire un nouveau volet de l'homme d'acier se passant dans la continuité des films initiés par Richard Donner. Un développement pour un nouveau projet voit le jour en 2008, le studio reprend alors les concepts développés par des auteurs de comics-book de chez DC Comics pour une nouvelle franchise.

Mais en 2009, une décision de justice permet à la famille de Jerry Siegel de reprendre ses droits d'auteur sur Superman. Cet arbitrage stipule que Warner Bros ne doit pas de royalties supplémentaires aux familles des co-créateurs sur les précédents long-métrages mais si le studio ne débute pas la production d'un nouveau film d'ici 2011, les héritiers peuvent intenter des poursuites pour pertes de revenus liées à une non production d'une oeuvre cinématographique.



Warner Bros décide de bâtir une nouvelle saga sur le même principe que Batman Begins, et ses suites. Ainsi Christopher Nolan évoque ce projet de son frère Jonathan & de David S. Goyer pendant le tournage de The Dark Knight Rises, le cinéaste annonce d'emblée qu'il ne réalisera pas les nouvelles aventures du Kriptonien, mais qu'il produira ce film. Le studio à la recherche d'un réalisateur, officialise le 4 Octobre 2010, la venue de Zack Snyder alors en pleine post-production de Sucker Punch. L'intéressé affirme que l'histoire de ce nouvel opus est originale "Comme je l'ai déjà expliqué, le film s'intéressera aux premiers jours de Superman, donc il n'y aura aucun liens avec les autres films".

L'intrigue de Man of Steel se rapproche du comics du grand Jeph Loeb avec Superman for All Seasons de 1998, cet auteur est connu pour avoir scénarisé Batman : Un long Halloween, une véritable référence pour les fans du Caped Crusader. Mais ce n'est pas la seule source d'inspiration, David S. Goyer & Jonathan Nolan se sont également inspirés de Superman Birhright de Mark Waid datant de 2003 et de Superman : Secret Origins de 2009, signé par Geoff Johns.  Ces trois histoires retracent les premiers pas de Clark Kent en tant que super-héros.

Pendant la promotion de la version vidéo, David S. Goyer revient sur la fin de Man Of Steel qui a fait extrêmement polémique parmi les amateurs du personnages :

"Nous étions sûrs que l'idée n'aillait pas faire que des heureux. Ce n'est pas comme si nous nous étions trompés ou comme si nous voulions que ce soit cool. Dans le cas de (la mort de) Zod, nous voulions que le personnage soit face à situation désespérée et qu'il prenne une décision désespérée. J'ai écrit des comics et des films et le "Superman ne tue pas" est une idée que je ne partage pas avec certains de mes collègues scénaristes. C'est une règle qui est censée définir le personnage mais je ne crois pas en ce genre de règles. Je pense que quand on écrit un film ou une série télé, on ne peut pas se servir de règles qui dépasse la narration de sa propre histoire. La situation était la suivante, Zod dit à Clark: "Je ne m'arrêterai pas tant que l'un de nous deux sera en vie". En réalité, il n'y avait aucune prison sur la planète capable de retenir Zod et dans notre film, Superman ne peut pas encore voler jusqu'à la lune, nous ne pouvions pas utiliser cette règle. Man of Steel est une sorte de Superman Begins, Clark n'est pas encore vraiment Superman avant la fin du film. Nous voulions qu'il connaisse le poids d'avoir tué une personne et qu'il le porte tout au long des prochains films. Parce qu'il est Superman et les gens l'idéalise, ce sera à lui de devenir quelque chose de plus grand."


Clark Kent est élevé dans une ferme du Kansas, le garçon s'interroge sans cesse sur sa différence. Devenu adulte, il quitte le foyer familial pour entreprendre une quête identitaire… Lors de son voyage le jeune homme apprend par une coïncidence fortuite qu'il est né sur Kripton, un monde lointain aujourd'hui disparu. Mais celui-ci n'est pas le seul rescapé, un groupe de survivant mené par le tyrannique général Zod tente de conquérir la Terre. Clark Kent va devoir prendre de difficiles décisions pour devenir le symbole d'espoir pour toute l'humanité.       

Après avoir déconstruit de manière très structurée le mythe du super-héros sans avoir trahi l'oeuvre originale d'Alan Moore & Dave Gibbons avec Watchmen : Les gardiens. Les studios Warner demandent à Zack Snyder et à ses scénaristes, l'exercice inverse avec Man Of Steel

Superman, super-héros patriarche aux nombreuses adaptations cinématographiques, plus ou moins kitsch est ici, traité à contre pied des attentes des spectateurs et des amateurs du comics-book, David S. Goyer et les frères Nolan retracent à nouveau la genèse du héros. Plus sombre que ses aînés, le long-métrage se veut également plus matures, car la renaissance du mythe à besoins de fondations solides. Les scénaristes balayent donc le ridicule des anciens films amené par Richard Donner, oubliez-ici cette touche de romance niaise et la double identité, dont certains fans crieront aux scandales. À la place les auteurs nous livrent une intrigue sur les origines de Clark Kent, son dilemme identitaire - Et non celui de Superman - et sa destinée personnelle.


Est-ce un oiseau ? Un avion ? 
Non, c'est Superman !.
Qui dit nouvelle vision ! Dis nouvelle ébauche du fameux super-héros et de son costume. Adieu l'emblématique slip rouge marque de fabrique du Kryptonien, l'uniforme de Superman est ici, d'un bleu métallique sobre, symbole de sa puissante aura humaniste. Dans Man Of Steel, le jeune homme va devoir choisir entre l'humanité et son peuple, les Kryptoniens. Tout d'abord l'humanité avec ses erreurs et ses choix incertains aux destins hasardeux, contre la renaissance d'un monde anciennement florissant et à la technologie développée, où tout est programmé à l'avance, où chaque citoyen à sa place dans la société bien avant sa naissance. Rien de manichéen là dedans, juste une volonté des scénaristes de vouloir faire ressortir telle ou telle origine, car ces deux civilisations ont leurs qualités comme leurs propres défauts. Et jusqu'à l'ultime affrontement Superman va peser le pour et le contre de son appartenance au monde des humains dans cette lutte sans merci contre ses compatriotes.

Les quarante premières minutes de Man Of Steel sont ambitieuses car elles développent de manière efficaces tout ce qui amènera Clark Kent à se questionner sur son identité et sa future destinée en se focalisant notamment sur ses parents et sa planète d'origine. L'idéologie colonialiste des Kriptoniens explique les raisons de la disparition funestes de ce peuple aux ambitions démesurées. Ainsi Jor-El incarne le renouveau, dans ses choix et ses espoirs contre les conservateurs préférant la génétique et les rôles prédéterminés, face à un général Zod, protecteur incorruptible et intransigeant de son peuple. Deux personnalités antinomiques qui hanteront le chemin de croix identitaires de Clark Kent / Kal-El.


Une fois sur la planète bleue, Zack Snyder et son équipe de scénaristes réussissent à incorporer des scènes cruciales à l'intrigue. 

Les échanges qu'entretiens Clark Kent avec ses deux pères sur son rôle à jouer entre ses deux peuples, et ses choix cornéliens de sacrifier des innocents au nom d'une plus grande vocation. 

Sa relation avec Jor-El tient de bien sûr l'astuce ou de la facilité scénaristique mais cela fonctionne compte tenu de cette technologie extra-terrestre est remplie de possibilités plausibles. Quant à Jonathan Kent, celui-ci est parfait dans ce rôle du paternel protecteur mais optimiste envers l'humanité. Pour figurer cette double destiné David S. Goyer et les frères Nolan s'inspirent brillamment de La république de Platon - La hiérarchie naturelle - et du messianisme Chrétien - La bonté justifie certains sacrifices. Ce dernier point sera démontré, lors de l'affrontement final qui verra périr des milliers d'âmes sans que Superman ne puisse faire autre chose que de penser à son propre destin. Malheureusement, il faut savoir sacrifier quelques personnes pour en sauver un bien plus grand nombre.


Les flashbacks incessants permettent de revenir sur l'adolescence de Clark Kent et de son questionnement intérieur quand à l'explication de ses pouvoirs. Une jeunesse entre vilain petit canard et paria qui résonne dans ses souvenirs en montrant un garçon défenseur de la veuve et de l'orphelin, le spectateur comprend alors vraiment ce qu'a pu vivre Clark Kent durant son enfance, de toujours devoir se restreindre, de se cacher, et tout garder en lui. Pour la manifestions de ses pouvoir, alors qu'il n'est qu'un enfant il doit se concentrer pour les maîtriser un par un et bien sûr cette tache est difficile pour lui, il reçoit ce don quasi-divin à un âge où il n'est pas en mesure de les comprendre mais il y parvient grâce à l'aide de ses parents.    



La mise-en-scène de Zack Snyder est remplie d'action, avec un vrai sens pictural et iconique flattant notre rétine. Les nombreuses destructions massives sont jouissives et impressionnantes - exemple à Smallville. 

Toute la dernière partie de Man Of Steel s'étend sur une conclusion dévastatrice où la pyrotechnie atteint un degré rarement atteint depuis Matrix Revolution, lors de l'affrontement Superman contre Zod dans la mégalopole de Métropolis, à noter que le Zoom et DeZoom n'a jamais été rarement aussi efficace qu'ici. Quant à la Production Design, celle-ci est spectaculaire. Dès les premières minutes nous avons droit à un environnement visuel Space-Opéra jouissif. A noter que l'aspect du vaisseaux des Kryptoniens renégats ressemblent étrangement aux Moissonneurs de la trilogie Mass Effect.

Inspiration ou hommage au cinéma de Terrence Malick ?.
Outre cette ébauche d'effet-spéciaux numérique, lors des scènes de flashback de Clark Kent, le cinéaste semble s'inspirer ou rendre hommage au cinéma de Terrence Malick, dans sa façon de filmer. Lors de quelques séquences le spectateur se croirait devant Tree Of Life

Au soleil couchant, on aperçoit un papillon posé sur une vieille balançoire en bois. Quelques instants après un chien tourne autour d'un jeune garçon portant une cape rouge, celui-ci court dans un champ près de vêtements en train de sécher au soleil. 

On retrouve alors la même ambiance que chez le réalisateur de La ligne rouge. Avec ces mêmes mouvements de caméras et ce rapport à la nature particulier. Il y dégage, je trouve une certaine poésie.

Le casting de Man of Steel est d'une efficacité désarmante. Entre un Henry Cavill méconnu du grand public, qui parvient à dompter la puissance du costume de l'homme d'acier grâce a une musculature impressionnante et un charme intemporel. Kevin Costner dégage une force émotionnelle, et grâce à sa personnalité le comédien apporte le poids nécessaire pour incarner le rôle de Jonathan Kent. Amy Adams est une Lois Lane aussi déterminé que romantique, faisant preuve d'un professionnalisme à toute épreuve, nous sommes à mille lieux du personnage des anciens films de Superman.  Michael Shannon en général Zod, aussi cabotin que terrorisant, dans un personnage de conquérant extra-terrestre particulièrement dévoué à sa terre natale, à mi-chemin d'Alexandre le Grand pour certains ou d'Adolf Hitler pour d'autres. Chacun des comédiens et comédiennes s'investit dans son rôle et donne vie à son homologue papier, et pour le choix des acteurs la production du film a eu l'intelligence de ne pas succomber une tentation d'une mode autour de l'un d'eux.

Affiche de chez Mondo.
La composition d'Hans Zimmer aide à intensifier les images à l'écran. J'aime particulièrement la direction musicale choisie par le mélomane et de ces intonations pour le thème principal. Bien sûr quelques mécontents regretteront John Williams, mais vu que la saga de l'homme d'acier repart sur de nouvelle base, un changement de compositeur était obligatoire pour tirer un trait sur le passé.

Pour son soixante-quinzième anniversaire, Warner BrosZack Snyder offre une adaptation sombre du mythe de Superman. Le cinéaste aidé de David S. Goyer et des frères Nolan ne tente pas de copier le travail de leurs prédécesseurs. La plus grosse qualité de Man of Steel réside dans sa dimension épique et ses thèmes traités… Une nouvelle relecture sans naïveté de ce super-héros précurseur et légendaire.

Affiche pour le Comic-Con 2012.

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