dimanche 27 juillet 2014

L'été de Kikujirô (1999)


Après plusieurs longs-métrages peignant un portait pessimiste de la société japonaise comme Hana-Bi ou Kids Return, où les gangsters et adolescent sont tous voués à l'échec. Takeshi Kitano sort un instant de son cinéma de Yakuza pour offrir à ses spectateurs une jolie réussite avec cette belle comédie dramatique. Un retour à ce genre après le très japonais Getting Any, véritable parenthèse dans la filmographie de son réalisateur.

Le cinéaste Nippon avoue lors d'un entretien de sortir un instant du carcan, du Yakuza Eiga avec L'été de Kikujirô : "Après Hana-Bi j'ai eu le sentiment que mon cinéma commençait à être étiqueté : "Yakuza violence, vie et mort". Je ne parvenais plus à m'identifier complètement à mes films. J'ai donc décidé de réaliser un film différent, qui surprendrait tout le monde. Pour être totalement honnête, L'été de Kikujirô n'appartient pas à un genre qui m'est familier. Mais jamais l'idée de me confronter à une histoire classique et de me l'approprier, c'est un pari qui m'intéressait. Dans cette perspective, j'ai essayé d'imaginer et d'expérimenter de nouvelles formes d'images. Je pense qu'à l'arrivée le film est un peu étrange et qu'il porte ma marque de fabrique. J'espère pouvoir trahir agréablement les attentes du public encore longtemps".

Le jeune Masao s'ennuie pendant les vacances, il habite Tôkyô avec sa grand-mère qui travaille toute la journée. Grâce à une amie de cette dernière le garçon rencontre Kikujirô son mari, un yakuza vieillissant avec lequel il part à la recherche de sa mère qu'il ne connaît pas et vit au bord de la mer.

Le récit inspiré du Magicien d'Oz est simple, léger, sans être trop naïf puisqu'une dramaturgie guette constamment les deux personnages. L'été de Kikujirô a aussi des points commun avec Hana-Bi, puisque le problème de l'absence familiale est centrale, mais abordée dans un sens différent. Cette fois-ci, le deuil ne concerne pas les parents, mais un jeune enfant qui arrivant au seuil de l'été décide d'aller à la rencontre de sa mère qu'il n'a jamais vu. Il part avec l'aide d'un ami de la famille, un ancien yakuza looser à la fois joueur, voleur et irresponsable digne des personnages de Jugatsu ou Sonatine. Même si Masao l'appel "Tonton", le jeune garçon voit en Kikujirô un père de substitution, tandis que celui-ci retrouve le chemin des vraies valeurs de la vie au contact de l'enfant. Sur ce point le long-métrage se divise en deux parties :

Dans la première, Masao voit les mauvaises habitudes de Kikujirô, l'homme le traînant ainsi dans des plans foireux en dilapidant par exemple tout l'argent du voyage dans les courses de keirin. Vient ensuite le bouleversement du récit, les retrouvailles familiales avortées avec la mère de l'enfant, suite à ce moment marquant le cinéaste nous offre une scène magnifique d'une simplicité magistrale, L'été de Kikujirô prend alors un nouveau départ à partir d'une plage - Pour ne rien changer aux habitudes de Takeshi Kitano. Dans cette quête de rachat, l'ex-yakuza fera tout pour changer les idées et inverser la tristesse du jeune garçon, grâce à d'innombrables jeux et autres grands moments de pure loufoquerie, avec leurs truculents compagnons de voyage rencontrés sur la route.


Car au cours de leur périple sur la route estivale de ce Japon verdoyant, ils vont faire des rencontres insolites et parfois dangereuses. Le ton général de L'été de Kikujirô est assez difficile à définir, néanmoins dans la digne lignée de son cinéaste : Mélange de drame social, de burlesque et de Poésie.

Le récit se déroule comme un livre d'images chaque séquence étant introduite par une vignette.

La grande force de L'été de Kikujirô est la relation entre Masao et Kikujirô, les deux personnages se découvrent de nombreux points communs, prennent soin l'un de l'autre, chacun à leur tour, et accompliront un bond en avant à la fin de leur aventure initiatique. La conclusion reste douce et amer, car aucun problème n'a été réglé, mais ensemble, tous ces personnages ont contribué à mettre de bonne humeur le spectateur. Le cinéaste, livre en quelque sorte un témoignage de tendresse et d'amour envers ces marginaux vivant dans la société Japonaise. Enfin lors des adieux à Tôkyô, l'ex-yakuza révèle son nom à l'enfant, signant un revirement majeur : Garder son âme d'enfant derrière ce masque d'adulte.

Les séquences oniriques et rêve de l'enfant sont souvent bercées par l'histoire et le folklore Japonais. Ainsi nous découvrons à l'intérieur de ses nombreux songes : Des moines shintô aux allures de tengu, des Shinsengumis, des acteurs du théâtre kabuki… Le christianisme ou catholicisme peuvent-être également évoqués par la présence de "l'ange" et "des ailes dans le dos", un thème assez inhabituel d'habitude dans le cinéma Japonais pour le signaler.

Séquence Onirique représentant les rêves de l'enfant.

La mise-en-scène simple de Takeshi Kitano sied à merveille au sentiment de mélancolie et de légèreté, avec quelques perles visuelles puisées dans les rêves de l'enfant - De ses craintes : de l'abus, de la perte, de l'abandon et enfin de ses joies. Comme dans Hana-Bi, la technique du cinéaste est ici plus affirmé, les travellings hésitants et plans fixes de ses débuts ne sont plus qu'un vieux et lointain souvenirs.


Dans le rôle titre Beat Takeshi, s'offre son rôle le plus bavard à ce stade de sa filmographie avec cet ex-yakuza vieillissant ne vivant que selon ses anciens principes. On remarquera que plus le temps passe et plus ces personnages ont tendance à s'humaniser, du Violent Cop complément borderline, en passant par l'autodestructeur Jugatsu jusqu'à la rédemption de Sonatine ou Hana-Bi, l'évidence saute au yeux.

La composition de Joe Hisaishi accompagne et intensifie à merveille les émotions présentes à l'écran.

L'été de Kikujirô marque la fin d'un cycle dans la filmographie de son cinéaste au crépuscule du XXème siècle. Takeshi Kitano nous livre un long-métrage ressourçant autour du monde de l'enfance. Avec Sonatine & Hana-Bi, ont tient là une autre perle de ce grand réalisateur.

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