jeudi 24 avril 2014

L'homme qui voulut être roi (1975)


Une épopée vieille datant d'une vingtaine d'années, voila à quoi nous pouvons résumer,  L'homme qui voulut être roi, ce rêve tenant à coeur à son cinéaste, John Huston, l'Ernest Hemingway du cinéma Hollywoodien, enfin concrétisé, lui l'amateur de chasse, de jeux de cartes, aventurier bagarreur, dans sa jeunesse, à de nombreuses similitudes avec les écrits de Rudyart Kilpling.

A l'origine du projet, était initialement prévu pour les rôles des deux compères, Daniel Dravot & Peachy Carnehan, Humprey Bogart & Clark Gable, mais le décès en 1957, de Bogie change les plans du cinéaste, décidant de le remplacer par Robert Mitchum. La mort de Clark Gable en 1960, contrecarre de nouveau le lancement du futur long-métrage, plusieurs binômes sont alors évoqués de Kirk Douglas & Burt Lancaster en passant par Peter O'toole & Richard Burton, le choix du réalisateur se tourne vers Robert Redford & son comparse, ami, Paul Newman, l'acteur venant de jouer deux films d'affilés avec le cinéaste - Le piège et Juge & hors-la-loiSuivant les conseils avisés de ce dernier, pour une question de véracité par rapport au récit, John Huston choisit donc sur recommandation, deux acteurs Britanniques, Sean Connery & Michael Caine.



Portrait de Rudyart Kipling.
L'homme qui voulut être roi est une nouvelle publiée en 1888 de Rudyart Kipling, journaliste, romancier & poète Anglais, née en Inde Britannique à Bombay, auteur du célèbre Livre de la Jungle. L'écrivain, rédacteur, Georges Orwell, le surnommé "Prophète de l'impérialisme Britannique".

Les Indes en 1880, Daniel Dravot & Peachy Carnehan deux anciens sergents de l'armée Britannique, francs-maçons, et aventuriers peu scrupuleux, se mettent en tête de partir pour la province éloignée Afghan du Kafiristan, pays légendaire ou aucun Européen depuis Alexandre Le Grand, en 328 avant Jésus Christ n'a remit les pieds. Les deux hommes prennent à témoins dans son bureau, Rudyart Kipling - journaliste travaillant pour The Northern Star - pour acter un contrat définissant les limites de leur aventures et d'être loyaux l'un envers l'autre. Les comparses partent alors à l'aventure pour conquérir cette contrée, afin d'en devenir roi…


John Hustonavec l'aide de Gladys Hill - assistante du cinéaste - apportent des modifications à la nouvelle d'origine, en remplaçant le narrateur par le journaliste Rudyart Kipling, idée employée dans John Carter d'Andrew Stantow avec la présence de l'auteur Edgar Rice Burroughs, romancier du cycle de Mars. Un hommage aux oeuvres littéraires dépeintes par les deux cinéastes. 

L'homme qui voulut être roi, parle de la franc-maçonnerie, peu de long-métrage évoque cet ordre ancien aussi distinctement : 

Lorsque Peachy Carnehan dérobe la montre de Rudyart Kipling, interprété par Christopher Plummer, à cet instant, en regardant l'objet, le chenapan découvre "un compagnon" ; Lors de la garde à vu des deux complices, le romancier évoque alors au fonctionnaire, les us et coutumes des libres penseurs, ainsi qu'une allusion au temple de Salomon, lieux emblématique du compagnonnage. L'amitié entre Daniel Davot & Peachy est également scellées par la loge, leur contrat stipulant de renoncer aux femmes, à l'alcool jusqu'à l'accomplissent de leur quête, signé sous les yeux de l'auteur, ce dernier offrant à Sean Connery : L'oeil au centre du compas et l'équerre. 


Un commentaire désenchanté sur l'effondrement de l'Empire Britannique, est apporté avec la montée en puissance des États-Unis et l'Empire fédérale Allemand, la domination du Royaume-Uni s'érode en grande partie dans le monde à la fin du XIXéme Siècle. Causant ainsi des tensions entre les différentes nations, ses frictions furent l'une des causes de la première guerre mondiale.

Daniel Davot & Peachy Carnehan, accompliront leur aventure, voir leur quête divine, en trois mois de marche à dos de mule, à travers les plaines, les montagnes hostiles, sauvage, tel Alexandre Le Grand, avant eux, ils conquerront ces terres sauvages, à la population clanique, aimant la violence et la guerre. L'action, n'est pas l'atout du long-métrage, les batailles sont réussies, la première commence avec une petite touche d'humour. Lors de l'un de ses affrontements avec la tribu des Bashkai, Daniel Davot, transpercé par une flèche continu à se battre, devient alors Sikander (Dans le dialecte des autochtones : Alexandre), un Dieu immortel aux yeux de cette peuplade reculées ne connaissant pas l'Empire Britannique, le monde moderne. 

Daniel Davot : "Peachy, je veux ton opinion. Est-ce que nous avons vécu pleinement?"

Peachy Carnehan : "Et bien ça dépend de ton point de vue. Je ne dis pas que 
le monde soit devenu meilleur de nous avoir vu naître."

Daniel Davot : "Ce serait exagérer..."

Peachy Carnehan : "Pas une larme ne coulera à l'annonce de notre trépas."

Daniel Davot : "De toute façon je ne veux pas qu'on pleure."

Peachy Carnehan : "On n'a pas tellement de bonnes actions à notre crédit."

Daniel Davot : "Non. Pas de quoi se vanter..."

Peachy Carnehan : "Mais combien d'hommes sont allés où nous sommes allés? 
Et ont vu ce que nous avons vu?"

Daniel Davot : "Pas tellement, c'est indubitable."

Peachy Carnehan : "Même maintenant, je ne changerais pas de place 
avec le vice-roi en personne si il me fallait cracher sur mon passé."

Daniel Davot : "Moi non plus."

Sa réputation de divinité remonte jusqu'au lieu saint, Sikandergul et à son grand prêtre, Kafu-Selim, le vieille homme voulant le mettre à l'épreuve, tel un rite initiatique de la Franc-maçonnerie, lorsqu'il s'apprête à transpercer Daniel Davot, il découvre l'insigne des loges offert par Rudyart Kipling. A cet instant le personnage de Sean Connery dans l'inconscient collectif du Kafiristan, devient "le grand architecte". 

John Huston immortalise cette amitié à la vie à la mort et ne cherche aucunement à édulcorer les suffisances mégalomane du duo, le cinéaste capitalise au contraire sur elles en suscitant une forme de sympathie improbable pour "ces néo-colonisateurs" affamés de royaumes à conquérir, anti-manichéens car sans scrupules, opportunistes, et pourtant si téméraires et si "Victoriens" dans cette forme d'honneur militaire et de solidarité qu'ils se témoignent sans faille et dont Daniel Dravot s'échine à faire les principes directeurs de son royaume. 

Tel le roi Salomon, Daniel Davot rend la justice au peuple avec une grande sagesse. Mais ce faux pouvoir divin change cet homme, ce dernier commet un péché d'orgueil, en ne voulant pas écouter son ami Peachy Carnehan - Partir avec le gargantuesque trésor de la cité de Sikandergul - rompant ainsi leur pacte d'amitié. Le personnage de Sean Connery veut accomplir sa destinée, se marier avec la ravissante Roxane - accessoirement Madame Caine, derrière la caméra -, pour perpétuer sa descendance, tel un monarque. Une crise de mégalomanie véritablement bien amenée dans le récit. Ses noces seront sa chute, en l'exposant à montrer son humanité aux yeux du peuple du Kafiristan. Les deux compagnons font face à la grande faucheuse en entonnant The Son of God Goes Forth to War, chant écrit en 1812 par l'ecclésiastique Reginald Heber. Le dernier dialogue entre les deux amis reste vraiment poignant. 

Il y a quelque chose de vraiment fascinant dans la manière dont John Huston articule ses thématiques avec le récit de Rudyart Kipling : Destin, chance, avarice, le plan qui s'effondre par excès d'orgueil... Difficile d'oublier toute cette fin où Sean Connery s'avance, princier et digne, vers le pont de son destin et où l'amertume puissant de tout cet échec est étrangement tempéré par une forme de douceur, de lucidité, jusque dans l'ironie dévastatrice du dernier plan.

John Huston, signe avec L'homme qui voulut être roi, l'un de ses meilleurs films, proche dans l'esprit au Trésor de la Sierra Madre. Le cinéaste offre aux spectateurs, une véritable histoire d'amitié et un conte philosophique. Maître étalon du film d'aventure en CinémaScope, n'ayant pas pris une ride. Le long-métrage est porté par deux comédiens aux sommets de leurs formes et de leurs talents - L'oeuvre est la préférée de Sean Connery & Michael Caine, dans leurs longues filmographies. Une jolie réussite.

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