dimanche 13 mars 2016

Soleil Levant (1993)


Michael Crichton est certainement l'un des romanciers contemporains les plus adaptés par l’industrie cinématographique Américaine, du Jurassic Park de Steven Spielberg à Harcèlement ou Sphère de Barry Levinson. Cet auteur est aussi connu pour être un producteur tyrannique (Le 13ème Guerriers) ou bien encore cinéaste à ses heures perdues (Mondwest - Westworld, La Grande Attaque du Train d'Or). Ici, notre homme ne tient heureusement aucun rôle dans ce projet que celui de romancier… Michael Backes & Michael Crichton ont quitté la production de Soleil Levant, car ces deux hommes s’opposaient à ce que le personnages du lieutenant Webster Smith soit transformé en un Afro-Américain.

Si nous ajoutons à l’équation la présence du réalisateur confirmé Philip Kaufman, à qui nous devons L'Etoffe des Héros, et une brochette d’acteurs à gueule, cela ne peut pas être mauvais ?


À Los Angeles, pendant une réception dans les bureaux américains d'une société japonaise, une escort-girl professionnelle est retrouvée morte, apparemment à la suite d'une rencontre sexuelle violente. Un jeune détective et un ancien capitaine de police et expert en affaires japonaises, sont envoyés pour enquêter. Pendant l'enquête initiale, le  novice Webster Smith soutient que la preuve indique une rencontre sexuelle suivie d'un meurtre, mais son ainé John Connor insiste pour dire qu'il y a eu une plus grande implication de la société et que les apparences sont trompeuses. Après une enquête éprouvante, l'ancien capitaine de police reçoit un disque numérique contenant la vidéo de surveillance de la nuit de l'assassinat. Elle s’avèrera par la suite être une vidéo numériquement truquée du véritable assassinat…

Voici un polar représentatif des années 90 : Une touche de technologie "Hi-tech", un soupçon d'érotisme, et quelques scènes d'action… L'aspect Buddy movie est ici omniprésent, centré sur un tandem antagoniste, d'un côté le jeune afro-américain Webster Smith incarne la culture occidentale, policier à la cool et pas très réfléchie et de l'autre le vétéran John Connor, rompu aux us et coutumes orientaux, appréciant le calme et la pondération japonaise.

Quant aux cotés érotiques, Soleil Levant est sorti un an après le sulfureux Basic Instinct de Paul Verhoeven, et ça se ressent : Le côté pervers du crime et l’érotisme général ambiant sont particulièrement mis en avant. Après le succès inattendu de l'oeuvre "diabolique" de l'Hollandais Violent, Hollywood s'en presse d'adapter une vague de thriller érotique comme en 1994 avec Harcèlement roman éponyme de Michael Crichton.

Quant aux rapports entre la culture Japonaise & Américaine - Le seul choc que le personnage John Connor appréhende. L'un des véritables problèmes, Soleil Levant est tellement explicatif et détaillé par moments (la forme juridique Kabushiki kaisha, notion sempai & kôhai…), qu'on a l'impression que le scénariste a fait un stage au Japon en bon petit élève, pris plein de petites notes et a rédigé un manuel : "Faire des affaires au Japon pour les Nuls". Nous sommes loin du Yakuza de Paul Schrader & Sydney Pollack où il est possible d'allier la culture du Film Noir Américain et le Yakuza Eiga en évitant de tomber dans les stéréotypes ou autres caricatures.

L’enquête sur cet assassinat n’est finalement qu’un maigre prétexte pour faire du “Japan Bashing” primaire et systématique. On apprend alors que les Japonais sont racistes, arrogants, vicieux, impitoyables et en affaires, n’hésitent pas à recourir à des méthodes peu loyales. Et cela est d’autant plus compréhensible qu’à la fin des années 80, le miracle Japonais était à son apogée, tandis que l’économie des États-Unis battait de l’aile. Soleil Levant est donc une transcription de la peur des Américains qui voient leurs premiers concurrents Nippons arrivés sur les marchés mondiaux !. La firme Japonaise Nakamoto Corporation entre en pourparler pour posséder une société de la Silicon Valley, MicroCon, mais le sénateur John Morton s'y oppose fortement… 

Cette peur est également l'un des symptômes des studios Hollywoodiens dans les années 90, ces gardes-barrière font un combat anti-Japonais depuis le rachat en 1989 de Columbia Pictures par Sony Corporation. Les exemples avec Kinjite Sujet Tabou, Alien 3 (la fusion Weyland-Yutani) & RoboCop 3 (OCP racheté par un conglomérat Japonais) incarnent le mieux cette période, ainsi Soleil Levant par le biais du personnage d'Harvey Keitel, possède de nombreux relents racistes envers les Japonais.

La technologie "Hi-tech" et la manipulation des images, tellement évolué pour l'époque, prête à sourire de nos jours. Du coup ce qui était à la pointe et ultra-moderne il y a à peine quinze ans parait aujourd'hui totalement ringard: Gros téléphones portables, trucages numériques d'images que n'importe qui peut faire aujourd'hui avec Photoshop, ou encore s'extasier devant un disque laser.

Naviguant sur la mouvance Techno-Thriller avec un font d'érotisme pour l'enquête. À la fois nous avons une certaine satisfaction grâce à une intrigue peut être trop travaillée avec de nombreux rebondissements. Car sans jamais être captivant, Soleil Levant parvient à susciter un certain intérêt et à divertir, en dépit de ses nombreux défauts : Personnages stéréotypés, grosses ficelles scénaristiques - le sénateur John Morton-, des flashbacks mal incorporés, exposition trop longue par rapport au dénouement qui n'en finit pas de "rebondir"... Malheureusement, l’histoire n’apporte aucune conclusion définitive, dans le sens où si l’enquête sera officiellement bouclée, il restera toujours un doute concernant sa conclusion… Que devient John Conor ? Que devient la famille de Webster Smith ? Et le personnage d'Harvey Keitel ?

Ajoutons également une fin alternative au roman afin de ne pas froisser la communauté Japonaise.

La mise en scène de Philip Kaufman est trop académique. Et malheureusement le manque d'une grosse scène d’action aboutie se fait ressentir. La poursuite en voiture reste avortée ainsi que la scène finale dans l’immeuble en construction. Quant à l'érotisme ambiant de Soleil Levant n'est pas Paul Verhoeven qui veut… Même si le début part dans un exercice sexuel débridé sur une table de conférence, et laisse esquisser plus tard le nyotaimori, une table à sushis vivante.

La présence salvatrice de Sean Connery - également producteur exécutif - capable de par son unique présence d’éveiller un intérêt quasi moribond pour une oeuvre de cinéma bien malade. Son rôle est le mieux écrit. Moins bien travaillés Wesley Snipes souffre d’un rôle parfois ingrat, entre kôhai, le policier américain pas très réfléchi, et le pourri, mais son personnage est plus trouble que dans les autres histoires de "duo de flics" de l’époque. Quant à sa relation avec Harvey Keitel, le fait qu’ils aient tous deux fauté par le passé n’apporte finalement rien à l'intrigue. Cela fait plaisir de revoir quelques-uns des seconds couteaux les plus mémorables d’Hollywood, comme Ray Wyse (Twin Peaks) en sénateur John Morton… Ne parlons pas du rôle anecdotique de Steve Buscemi dont on aurait pu penser qu’il amènerait un plus.

Du coté des comédiens Japonais, nous retrouvons l'un des visages Nippons emblématiques d'Hollywood Makoto Iwamatsu, surnommé Mako, de Conan le Barbare de John Milius à RoboCop 3 en passant par La Canonnière du Yang-Tsé où il se retrouve nommé aux Oscars pour l'acteur meilleur second rôle. Ici, il incarne le CEO de Nakamoto Corporation. Autre naturalisé Américain Cary-Hiroyuki Tagakawa (The Man in the hight castle, Tekken, Le Dernier Empereur) interprète le yakuza Eddie Sakamura.  Et la surprise de Soleil Levant, la ravissante Tia Carrere en "Japonaise" …

Souvent considéré comme un "pont" entre les cultures japonaise et occidentale (rôle qu'il n'a jamais désiré jouer) Tôru Takemitsu a composé une très grande quantité de musiques telles que celle du très célèbre Ran d'Akira Kurosawa avec lequel il a plusieurs fois collaboré, mais aussi de Kwaidan de Masaki Kobayashi, la plus grosse production du cinéma japonais de l'époque, et de L'Empire de la passion de Nagisa Ōshima. Pour Soleil Levant ses mélodies manquent légèrement de morceaux pêchu qui puisse aider à pimenter cette intrigue.

Soleil Levant est intéressant à visionner pour la confrontation Sean Connery & Wesley Snipes, ce vieux sempai contre le jeune kôhai, représentant l'Orient et Occident sur un choc des cultures avec un fond de guerre économique Américano-Japonaise.. Un jeu de cache cache où la réalité et les apparences sont parfois trompeuse. Finalement, l'oeuvre de Michael Crichton peut se lire à double voire triple sens. Outre son "Japan Bashing" primaire systématique, ce long-métrage ne restera pas dans les annales, mais il reste divertissant et agréable par moments.


Affiche hommage d'Edgar Ascensao.

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