lundi 10 août 2015

La dame dans l'auto avec des lunettes et un fusil (2015)


Avec la Dame dans l'auto avec des lunettes et un fusil le dessinateur Joann Sfar signe ici son troisième long-métrage après Gainsbourg, vie Héroïque et le long-métrage d'animation, Le chat du rabbin adaptation de sa propre bande-dessinée.

Ce long-métrage est une adaptation du roman éponyme de Sébastien Japrisot (Un long dimanche de fiançailles, L'été meurtrier), datant de Septembre 1966. Le romancier écrit ce nouveau manuscrit en trois semaines seulement, celui-ci est plus long que ses ouvrages précédents. La maison d'édition Denoël crée même une nouvelle collection "Sueur froides" pour accueillir son oeuvre. La critique et le public acclament ce livre, se voyant ainsi décerner plusieurs récompenses comme le Prix d'Honneur en 1966 et Outre-Manche, le Silver Dagger Award du meilleur roman étranger décerné par la Crime Writers' Association.

Comme à l'accoutumé des producteurs sont intéressés pour l'adaptation. Après de nombreuses tergiversations entre Alfred Hitchcok, Jules Dassin, Roger Vadim qui sont séduit par l'ouvrage, c'est finalement Anatole Litvak (La nuit des généraux) qui accouchera sur pellicule de l'oeuvre de Sébastien Japrisot. Dans le rôle titre nous retrouvons Samantha Eggar (L'obsédé). De nombreuses prétendantes étaient pressenties pour interpréter Dany : Brigitte Bardot, Michèle Mercier, Elizabeth Taylor, Julie Christie, Jane Fonda

Quant au romancier dans les années 70 à 80 celui-ci écrit directement pour le cinéma comme par exemple, Adieu l'ami ou La course du lièvre à travers les champs

"Dans le cinéma moins qu'ailleurs personne n'écoute jamais personne. Si vous voulez que vos personnages soient sur une toile blanche, n'écrivez pas un roman, écrivez directement un scénario, l'adaptation, les dialogues, tout. C'est ce que j'ai fait"

Dany est une jolie jeune femme de 26 ans, son seul défaut est son manque cruel de confiance en soi. Celle-ci travaille dans une agence de publicité, dont le patron est le mari de sa meilleure amie, Anita. Alors que Michel, son employeur, lui demande de l'emmener à Orly avec toute sa famille et la charge de ramener la voiture chez lui, la ravissante secrétaire décide finalement d'aller vers le Sud de la France "pour voir la mer". Commencent alors des mésaventures…

Pendant une heure trente, Joann Sfar nous emmène en balade dans cette Thunderbird couleur océan, ou nous suivons le délire schizophrène de Dany. De prise de conscience en mise en abîme dans la folie, l'univers du cinéaste donne à ce polar schizo-paranoïde une dimension onirique, délirante. Tout le long de ce récit alambiqué le spectateur oscille donc entre réalité et démence, l'équilibre fonctionne car nous ne savons jamais ce que l'on voit à l'écran est bien réel. Nous prenons un malin plaisir à nous embarquer et balader de force jusqu'à ce dénouement final inattendu. Difficile de parler de l'intrigue de La dame dans l'auto avec des lunettes et un fusil sans en dévoiler une partie, tel un Giallo Joann Sfar s'amuse à ponctuer son histoire de fausses pistes afin de nous embrouiller l'esprit.

Finalement Danny prend place là où Isabelle Adjani avait déjà interprétée une héroïne de Sébastien Japrisot au cinéma dans le cultissime L'été Meurtier. C'est cet air d'Adjani, du temps où la comédienne mettait sa beauté candide, faussement innocente au service de la folie des personnages qu'elle interprétait, la jeune actrice Freya Mayor montre ici cette oscillation entre un léger délire schizophrénique déjà présent dans le psychisme de son personnage.

"Je suis pas sûre, mais je crois bien que je deviens folle."

L'héroine, Dany, à la criniere rousse domptée, ses lunettes rétro lui mange et cache littéralement son visage. Une fois ses cheveux lâchés, sa paire de lunettes abandonnées, celle-ci se transforme devenant folle, mais pas trop. Juste ce qu'il faut pour faire tourner la tête aux garçons. Ses lèvres pleines, comme celles qui laissent des traces de rouge à lèvre sur les mots doux. Son visage est constellé de petites taches de rousseurs adorable que certains voudraient compter ou caresser. Nos yeux sont aussi attiré par sa petite croix discrète qu'elle porte au tour de son sublime cou. Dany s'habille assez court, pour que ses magnifiques jambes puissent s'ébattre en toute liberté.

D'une certaine manière nous pouvons y voir les contours de la libération sexuelle et de l'émancipation de la femme.

Sa beauté ingénue et faussement innocente est au service de sa folie. Son physique Hitchcokien en fait une cousine transgénérationnelle de Madeleine Elster / Judy Barton - Kim Novak dans Vertigo - et sa tentative de mettre du sens au monde réel lui oppose une succession incompréhensibles de fin de non recevoir. Son interprète Freya Mavor est excellente pour ce rôle, son jeu de comédienne est simplement parfait.

Les images à l'écran sont magnifiques : La mer, les visages, les corps, les décors... Joann Sfar pose sa caméra de manière posée, aidé d'un montage simplement parfait. Lorsque l'on observe sa mise-en-scène sobre et intime, on pense immédiatement aux Giallo et du récent Amer qui a remis ce genre Italien au goût du jour, nous retrouvons donc ses caractéristiques visuelles comme par exemple des split-screen ou de superbes plans travaillés. Ses nombreux détails confèrent un véritable plaisir à nos rétines.

L'ambiance 70's est pleinement assumée : La mode, la musique, la machine à écrire, sans oublier la magnifique Thunderbird. L'érotisme ambiant rend le tout envoûtant. Des spectateurs comparent ça à du David Lynch, personnellement j'ai surtout l'impression d'avoir vu le meilleur Brian de Palma depuis L'impasse.

Outre la magnifique Freya Mavor découverte dans la série télévisée Skins, nous retrouvons Benjamin Biolay - le patron de Dany - à première vue ça fait peur sur le papier mais le chanteur est très bon, voir impeccable dans son rôle. Quant à sa femme Anita, celle-ci est interprétée par la ravissante Stacy Martin (Nymphomaniac). Les comédiennes ont d'ailleurs un aspect "graphique" proche des modèles féminins des bandes-dessinées Joann Sfar.

La bande originale digne de Quentin Tarantino est excellente, voir envoûtante à certains moments - Wendy Rene avec After Laughter ou Gianfranco & Gian Piero Reverberi de Django, prépare un cercueil lors de la conclusion. Les différents morceaux musicaux choisis par le cinéaste sont en parfaite adéquation avec les pensées de l'héroïne et l'atmosphère du film.

Véritable surprise de l'été 2015. Joann Sfar offre aux spectateurs un thriller estivale, digne héritier des giallo et du meilleur de la filmographie de Brian De PalmaLa dame dans l'auto avec des lunettes et un fusil a une atmosphère sensuelle, étrange ou plane un soupçon de mystère, c'est également un véritable plaisir cinématographique... Une oeuvre à découvrir ! Oserais-je dire moi aussi, "je voulais voir la mer" ? 

Dessin de Joann Sfar pour La dame dans l'auto avec des lunettes et un fusil


1 commentaire:

  1. Chose amusante les critiques ne sont pas TOUTES si élogieuses que ça ! On peux remarquer d'ailleurs que les plus négatives se focalisent sur l'adaptation de la trame ou bien sur le bric à brac 60s un poil marqué.

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