Après l'échec en salle de L'île des adieux en 1976, Franklin J. Schaffner (Patton, La planète des singes) cherche de nouveaux projets à réaliser, malgré sa glorieuse carrière et ses multiples récompenses, le cinéaste devra attendre 1978 pour voir enfin le bout du tunnel.
Sa rencontre avec Lew Grade sera décisive, à la tête d'ITC (Incorporated Television Company) celui-ci est surtout connu pour avoir produit des séries Britanniques à succès comme Le Saint, ou Cosmo 1999. Au milieu des années 70, cet homme permis également au Muppet Show de Jim Henson de voir le jour à la télévision, pour le bonheur des enfants du monde entier. Sa société de production fait appel à des réalisateurs Américains quelques peu délaissés par les grands studios afin de réaliser des feuilletons comme par exemple Peter Hyams (2010: L'année du premier contact) sur Capricorn One, l'un des beaux succès de 1978.
C'est donc naturellement que Lew Grade propose à Franklin J. Schaffner l'adaptation de Ces garçons qui venaient du Brésil, le cinéaste est passionné par le roman d'Ira Levin. Dans le mode de production d'ITC le metteur-en-scène voit une forme de liberté loin du formatage des majors Hollywoodiennes.
Ira Levin est un écrivain Américain reconnu pour son inventivité. Véritable touche à tout, auteur de pièces de théâtre et de romans dans de nombreux genre comme le fantastique, la Science-Fiction, le policier et les thrillers. Ses oeuvres ont souvent fait l'objet d'adaptation au cinéma, la plus célèbre reste certainement Rosemary's Baby de Roman Polanski l'une des pièces maîtresses du film fantastique des années 70.
Vienne, Autriche, à la veille des années 80. Erza Lieberman, célèbre chasseur de nazis, vit avec sa soeur dans un vieil appartement. Un jour, il reçoit l'appel d'un jeune homme, Barry Kohler, en provenance du Paraguay. Ce dernier a retrouvé la trace d'officier nazis et pense qu'un complot se prépare. Malgré les mises en gardes du vieille homme lui demandant de quitter le pays pour sa propre sécurité, le gaillard décide d'en savoir plus. Après avoir découvert la villa ou se tiendra une réunion secrète, il soudoie un jeune domestique afin d'y placer un micro. Le stratagème fonctionne. Le chef de cette conspiration n'est autre que Josef Mengele, ancien médecin du camp d'Auschwitz-Birknau, connu pour ses expériences pseudo-médicales qu'il effectua sur de nombreux prisonniers pendant la Seconde Guerre mondiale. L'ex toubib décrit à ses comparses un projet d'assassinat sur les deux ans à venir chacun d'eux doit tuer quatre-vingt quatorze fonctionnaires à travers le globe. Tous ont pour point commun d'être pères de famille, sexagénaires et ont une épouse plus jeune qu'eux. Ces meurtres doivent passer pour des accidents...
Ce thriller politico-SF est empreint d'un certain réalisme, Ces garçons qui venaient du Brésil renforce cette impression en faisant appel à un personnage existant. Le docteur Josef Mengele était un scientifique nazi connu sous le surnom morbide d' "Ange de la mort". Il sévissait dans le camp de concentration d'Auschwitz-Birknau, où il participera à l'organisation des chambres à gaz notamment. Ce "médecin chef" se livrait à des expériences abominables sur les détenus, il était intéressé au cas des jumeaux pour ses recherches génétiques. Ses expériences menées sur eux incluaient des amputations inutiles, l'infection de l'un avec le typhus ou d'autres maladies avec la transfusion sanguine entre les deux patients. Beaucoup de ses victimes succombèrent au cours de ces expérimentations et leurs corps finissaient par être disséqués... Ce savant fou créa même un terrain de jeux pour les enfant auxquels il se présentait comme "Oncle Mengele" Un ancien déporté d'Auschwitz-Birknau déclara : « Il était capable d'être si gentil avec les enfants, de se faire aimer d'eux, de leur apporter du sucre, de se préoccuper du plus petit détail de leur vie quotidienne et de faire des choses que nous admirions sincèrement... Et ensuite, à coté de cela... les crématoires fumaient, et ces enfants, demain ou dans une demi-heure, Megele allait les y envoyer ».
Ses horribles expérimentations sont considérées comme des violations graves à la constitution des Droits de l'homme. Après la guerre, il réussit à s'enfuir en Amérique du Sud où il vécut trente cinq ans jusqu'à sa mort en 1979, soit quelques mois après la sortie du film.
En opposion face à lui nous retrouvons Ezra Lieberman. Ce nom est bien sur une pure invention mais ce personnage est fortement inspiré par Simon Wiesenthal, le célébre chasseur de nazi, à qui l'on doit de nombreuses arrestations parmi lesquelle celle d'Adolf Eichmann ou de Karl Silberbauer, l'officier qui avait interpellé Anne Frank.
Ces deux personnages réels au service de cette uchronie permettent de perdre le spectateur entre fiction et réalité. D'ailleur l'un des points forts du long-métrage est son premier degrée constant dans sa narration.
Ces garçons qui venaient du Brésil aborde aussi l'extrémisme, outre les nazis, Erza Libierman fait connaissance de David Benett ami du défunt Barry Kohler. Le jeune homme fait partie des "Jeunes Défenseur des Juifs", ersatz de "La ligue de Défense Juive" une association extrémiste et violente interdite aux Etats-Unis. Ainsi le cinéaste nous montre que le radicalisme existe des deux cotés entre l'oppresseur et l'opprimé.
Quant à L'organisation Kameraden (Camarade) ou Odessa souvent évoqué dans le film, il s'agit en fait d'un groupuscule fictif donnant son nom au roman Le dossier Odessa de Frederick Forsyth. Le romancier imagine un réseau établi par un groupe SS pour évacuer des criminels nazis et leur famille vers le Moyen-Orient er l'Amérique du Sud.
L'introduction se déroulant au Paraguay est percutante, par la suite la partie enquête est assez bien ficelé, nous prenons plaisir à suivre ce vieille homme dans cette étrange affaire, où celui-ci replongera dans son passé douloureux - allant même jusqu'a interroger son ancienne bourreau - entrainant avec lui les spectateurs dans l'horreur jusqu'au dénouement.
Ce premier degré dans la narration permet à Franklin J. Schaffner de rechercher et traiter le réalisme de son histoire avec sérieux, nous glaçant ainsi le sang en même temps qu'il excite notre cerveau d'hypothéses farfelue, voir plausible. Ce long-métrage devient un régal d'anticipation traumatisante.
Dommage que Ces garçons qui venaient du Brésil ne soit pas visuellement mémorable. Un cinéaste plus ambitieux ou disons avec un talent formel et visuel plus développé que celui de Franklin J. Schaffner aurait pu faire du film une oeuvre extrêmement marquante mais quelque part le classicisme et le coté un peu plan plan de sa mise-en-scène apporte au long-métrage ce coté un peu banal, quotidien et plausible sans lequel cette oeuvre ne serait qu'une pantalonnade de plus. Heureusement quelques bonnes idées sont là, par exemples, la séquence ou Josef Megele retourne aux ruines de la maternité, tout en repensant à la naissance des enfants, et n'oublions pas la confrontation finale avec l'attaque des chiens, celle-ci bénéficie d'un montage violent et très efficace.
Pourtant le cinéaste est aidé par les excellents Henri Decaë - Directeur de la photographie de Jean-Pierre Melville - et Peter Lamont - Chef décorateur, directeur artistique qui a travaillé sur la plupart des James Bond et Titanic.
Quant aux comédiens, Laurence Olivier est touchant et sincère dans sa composition, ce qui motive son personnage à découvrir la vérité ce n'est pas une aventure quelconque mais ce terrible souvenir gravé au plus profond de lui même, ce désir de ne pas voir l'histoire se répéter. Amusant de voir que Marathon Man et ce film ont été fait l'un après l'autre, l'acteur passant des cotés de la barrière pour ces deux films. Une occasion pour ne pas rester sur une image aussi négative - il interprétait un ancien SS, un simili de Josef Megele dans le long-métrage sus-cité. Gregory Peck lui qui d'habitude si calme, surjoue énormément finalement son interprétation correspond parfaitement à la personnalité volcanique de Josef Medele. N'oublions pas James Mason dans un rôle plus en retenu et signalons la participation de Steve Guttenberg (Police Académie) dans l'introduction.
La composition de Jerry Goldsmith accompagne à merveille les images avec des sonorités latine et des accords rappelant Bernard Herrmann.
Ces garçons qui venaient du Brésil est un thriller politique haletant au premier degré, interprété par de très grands comédiens : Gregory Peck, Laurence Olivier & James Mason. Seul petit bémol, la réalisation assez plate de Franklin J. Schaffner, mais est-ce un choix pour apporter un coté banal voir réaliste à son récit ?!
Affiche Américaine. |
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