lundi 18 juin 2012

L'épreuve de Force (1977)

Gamin, lorsque je visionné L'Épreuve de Force, à la télévision, je pensais voir à un énième opus de L'inspecteur HarryClint Eastwood réalise ici, un pied de nez sur son célèbre personnage harboiled : Harry Callahan.

Projet écrit par les scénaristes Dennis Shryack & Michael Butler. Deux plumes Hollywoodienne ayant travaillées sur Pale Rider - Le cavalier Solitaire et Sale temps pour un Flic. À l'origine les comédiens pressentis sont Marlon Brando & Barbara Streisand. Malheureusement celui-ci quitte le navire, Steve McQueen le remplace aux pieds levés. Mais des différences naissent entre les deux interprètes principaux, ils décident de quitter ensemble ce futur long-métrage. Warner Bros approche alors Clint Eastwood & Sondra Locke pour incarner les deux protagonistes vedettes.  

Un policier municipal, Ben Shockley, part à Las Vegas pour convoyé jusqu'à Phoenix une suspecte "banale" pour un procès "banal". Le flic et le témoin sont alors poursuivis par la mafia et la police qui tente de les supprimer...

Le grand Clint Eastwood  nous livre ici une oeuvre sec, brut, sans concession avec un personnage qui pourrait être de l'anti Harry Callahan de par son accoutrement, mais qui garde toute de même ce comportement politiquement incorrect n'hésitant pas à frapper les femmes quand il faut ! Ben Shockley est un policier alcoolique, mal rasé, complètement à la ramasse et d'une obéissance aveugle à sa hiérarchie.  Sa rencontre avec la prostitué Gus Mally va remettre en cause sa personnalité de chien bien dressé - Dès le début du film on observe plusieurs scènes ou il se fait ouvertement sermonner par son supérieur sans broncher, impensable pour Dirty Harry.  L'Épreuve de Force prend la forme d'un road-movie très urbain et endiablé, ou les différentes péripéties vont faire comprendre au personnage de Clint Eastwood la corruption qui règne au sein de la police, ainsi Ben Shockley sera l'une de leur cible à son tour. 

La mise en scène rappelle l'un des maîtres de Clint Eastwood, Don Siegel. L'un des points fort de L'Épreuve de Force est que cette oeuvre reste longtemps dans nos mémoires pour ses scènes d'action grandiloquentes. Sans doutes les plus décomplexées de toute la carrière de Clint Eastwood réalisateur - hormis peut-être La Relève. On dénombre entre autres, la maison de Gus Mally qui se fait mitrailler  par une armée de flics jusqu'à s'écrouler, une haletante poursuite moto / hélicoptère dans un paysage montagneux et désertique. Mais surtout ce final dantesque ou l'action est exagérée à son paroxysme, Clint Eastwood pénètre dans Phoenix dans un bus blindé attendu par une armée de policier, un véritable moment d'anthologie ! Le véhicule est criblé par 8000 balles. Un aspect cartoonesque, non seulement par les personnages iconisés mais parfois par un réalisme outrancier… Le cinéaste reste toutefois dans une surenchère maîtrisée. S'il s'amuse de l'impact visuel de ces éléments il n'en rajoute jamais et garde sa concision habituelle. Comme la toute dernière scène, scène qui peut choquer par le final expédié et peut-être facile, mais qui s'explique aussi par la volonté de ne pas en faire trop (le futur procès) et de s'arrêter dès la fin de la poursuite, le coeur de l'histoire.  

L'Épreuve de Force possède de belles séquences esthétiques - À l'instar de cette fusillade nocturne éclairée par la lumière d'un affichage publicitaire. D'ailleurs Clint Eastwood ne tue personne tout le long de ce polar.

Les dialogues bien salaces et d'une violence sans fards nous rappelle bien évidemment que nous sommes dans les 70's, avec leurs lots de répliques "fleuries" - La conversation dans la voiture de police ou la scène avec les Hells Angels. Quelques phrases font allusions à Harry Callahan, Gus Mally n'hésitant pas à traiter Shockley de "facho", un mot que certaines critiques de cinéma employées lors de la sortie de l'Inspecteur Harry.


Voila un Clint Eastwood parfait dans son rôle, beaucoup plus attachant car vulnérable et doté d'un certain humour. Décontracté, l'acteur joue avec délectation l'image véhiculé par l'inspecteur Harry. Virilité et misogynie sont ici renversés, puisque que le comédien n'est pas à son avantage alors qu'il doit escorter ce fameux témoin gênant poursuivi par la mafia et la police. L'humour décomplexé permet de railler constamment le personnage, choisi justement dans cette mission pour son incompétence et ses mauvaises manières. Loin d'un idéal, le policier est un loser alcoolique, maladroit et vulgaire. Au bout du périple, les valeurs sont retrouvées et les faiblesses sont devenues des forces permettant donc de redorer une image démythifiée mais d'une tendresse généreuse. 

Sondra Locke excelle aussi en petite chose fragile et teigneuse, une femme au tempérament fort et au passé difficile. Une alchimie pas forcément évidente mais qui va s'avérer l'un des atouts du film. Ce personnage, notamment, bénéficie de plusieurs scènes marquantes comme son speech au flic "beauf", le coup de téléphone à sa mère ou la diversion qu'elle crée dans le wagon (pour sauver Shockley).  À signaler, comme dans nombreux des métrages de sa période Clint Eastwood qu'elle a tourné, la comédienne a droit à une scène de tentative de viol particulièrement corsée, livrée en pâture à des Hells Angels bien hargneux. Leur histoire d'amour fonctionne parfaitement, habillement dosée, Shockley méprisant cette prostituée au départ avant de s'y attacher au fil des épreuves.

La musique jazzy de Jerry Fielding, renforce l'ambiance urbaine. Sa composition et ses airs sont  Lalo Schifrin.

Au final, L'Épreuve de Force est un film mineur dans la longue carrière de Clint Eastwood, manquant souvent de finesse. Mais le cinéaste s'est en tout cas fait plaisir, et cet enthousiasme est communicatif. Un excellent divertissement avec des dialogues savoureux.

Sublime affiche réalisée par Franck Frazetta, illustrateur mythique connu pour son travail sur
Conan le babare

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