lundi 24 août 2015

Rififi à Tôkyô (1963)

Polar Franco-Italien, et deuxième long-métrage de Jacques Deray. Cinéaste spécialiste des films policiers, il connut son âge d'or dans les années 70 en tournant avec les deux grands comédiens Français de l'époque : Alain Delon & Jean-Paul Belmondo.

Rififi à Tôkyô c'est organisé autour d'une histoire originale d'Auguste Montfort, dit Le Breton auteur prolifique de romans policiers. Plusieurs de ses ouvrages ont fait l'objets d'adaptations cinématographiques au cours des années 50 à 60 en France, comme Le Clan des Siciliens, Du Rififi chez les Hommes ou Razzia sur la Chnouf. Il est également célèbre pour avoir inventé en littérature le mot "rififi" qui signifie en argot une bagarre ou du grabuge.

Outre le romancier d'origine, nous retrouvons également sur l'adaptation du scénario, le controversé José Giovanni. Ancien collabo et repris de justice condamné à mort pour trois assassinats celui-ci échappe de peu à la guillotine le 3 Mars 1949 où il est gracié par le président Vincent Auriol. Quelques années après sa sortie de prison, l'ex-taulard devient un écrivain à succès grâce Au Trou, où il raconte sa tentative d'évasion. En 1958, le romancier rentre dans la prestigieuse collection "série noire" avec Classe tout risque, Le Deuxième souffle… Ses romans noirs le conduisent naturellement au cinéma, ou José Giovanni occupe alors plusieurs postes tout au long de sa carrière : Scénariste, dialoguiste et réalisateur dont il signe des classiques populaires comme Le Ruffian, La Scoumoune, Dernier domicile connu, Deux hommes dans la Ville


Au Japon, un groupe de gangster mené par Van Hekken un vieux de la vieille désireux de faire un dernier casse avant de prendre sa retraite prépare un cambriolage afin d'y dérober un énorme diamant dans l'importante et prestigieuse Bank of Tôkyô. Pour cela il s'adjoint les services d'un spécialiste capable de neutraliser le système sophistiqué de vidéo-surveillance et de forcer le blindage. Mais le petit groupe se heurte à des caïds qui n'apprécient guère que des étrangers troublent la tranquillité de leur territoire.



Alors que son premier long-métrage - Le gigolo - était un drame, Jacques Deray propose à son producteur Jacques Bar de réaliser un polar dans la veine des Films Noirs Américain, avec une histoire se déroulant dans la capitale Nippone. Le scénariste de Rififi à Tôkyô José Giovanni s'est même rendu sur place pour écrire un récit documenté.

Cette intrigue de vieux briscard désireux faire un dernier coup avant de prendre sa retraite est bien connu et déjà vu dans des oeuvres tels que Mélodie en sous-sol d'Henri Verneuil ou Touchez pas au grisbi de Jacques Becker. Et comme tout Caper Movie - Film de braquage / de casse -, le spectateur sait d'emblée que le coup monté finira mal. Qu'importe, l'intérêt est de savoir quel va être le grain de sable qui enrayera la belle mécanique et nous amènera à la chute des gangsters.


Les différents protagonistes sont un peu trop figé et à peine ébauché comme l'exemple des compagnons de toujours de Van Hekken, ces derniers se font dessouder au cours d'une séquence délicieuse par une horde de yakuzas. L'humanité des personnages apparaît vraiment lors du dernier acte final au pessimisme proche d'un Jean-Pierre Melville.

Une Citroën DS à Tôkyô. Sacré Français !
Nous sommes devant une adaptation écrite par José Giovanni, forcément l'amitié prend une place centrale dans cette histoire, chez lui il n'y a pas besoin d'en faire des tonnes pour qu'on comprenne les liens qui unissent les personnages, on appel ça un talent d'écrivain, son vécu et passé aide beaucoup à la crédibilité de ses récits, l'ex-taulard connaît parfaitement son sujet. Le spectateur suit l'amitié de deux amis, Mersen ancien militaire accepte de remplacer son ami décédé, ce dernier lui a sauvé la vie pendant la Guerre de Corée.

Un triangle amoureux pointe le bout de son nez. Entre Asami, l'hôtesse de bar dont la maîtrise de la langue française fait d'elle un précieux atout pour le futur casse. D'autant que son frère Itoshi est employé dans la banque en question. Le jolie Japonaise est la maîtresse de Mersen, et celle-ci ne tarde pas à découvrir sa relation avec Françoise Mérimé. L'évolution de cette romance entre ses trois personnages est assez bien gérée. Quant au cocu de l'histoire, lui l'ingénieur en électronique supposé tout contrôler ne contrôle plus rien… Cet homme se retrouve happé, magnétisé par ses rues surpeuplées jouant ainsi les filles de l'air dans cet environnent labyrinthique.

L'une des grandes forces de Rififi à Tôkyô, est de voir ce qu'était la capitale Nippone en 1961. La mégalopole est prête à organiser les Jeux-Olympique de 1964 poussée par l'économie du pays, alors en pleine relance à peine quinze ans après la défaite du pays. Nous découvrons une ville au trottoir à peine entretenus, aux masures entrelacées, aux avenues lugubres et aux ruelles patibulaires. A coté de ses quartiers populaires nous voyons le Ginza flamboyant de l'époque, avec ses néons multicolores et ses buildings. Des grandes tours au centre et des bidonvilles ou doya (structures en bois destinées à accueillir les travailleurs saisonniers) se trouvent en périphérie. Jacques Deray filme les extérieurs de Tôkyô à la manière d'un documentaliste, les spectateur voyagent ainsi avec sa caméra. Sans oublier que le non-sous-titrage des dialogues en Japonais ajoutent au mystère et au dépaysement, voir à l'exotisme - Surtout pour le public de l'époque.

Charles Vanel, à l'aspect d'un Jean Gabin en patriarche du groupe de gangster, sa gueule et prestance naturelle s'accordent parfaitement à ce genre de film, le rendant ainsi attrayant en chef des malfrats. Le comédien a d'ailleurs des répliques bien cinglantes : "On augmente jamais celui qui garde l'argent des autres. Précaution : De peur qu'il se mette à aimer l'argent lui aussi". Quant à son jeu d'acteur, celui-ci est ferme et sec. Karlheinz Böhm transfuge de Sissi l'impératrice et jeune premier interprète Mersen personnage sombre, rescapé de la Guerre de Corée. L'ingénieur en électronique Mériné est joué par Michel Vitold (L'aveu) sa tête donne une impression immédiate de familiarité avec le spectateur, et sa femme Françoise prend les jolies traits de Barbara Lass - ancienne compagne de Roman Polanski.

Du coté Nippons, nous retrouvons la sublime Keiko Kishi (Yakuza, Kwaïdan) parlant un Français parfait - Elle était mariée avec le cinéaste Yves Ciampi -, cette dernière incarne une taxi-girl. L'acteur Eiji Okada (Hiroshima, mon amour, Yakuza, La femme des sables) est quant à lui Danny Riquet, l'ami de Mersen assassiné par les yakuzas locaux. A noter la présence de Masao Oda en parrain mafieux, un comédien habitué au cinéma classique Japonais : Au goût du saké d'Yasujiro Ôsu, Entre Ciel et L'enfer d'AKira Kurosawa & Le fleuve noir de Masaki Kobayashi.

Les mélodies de Georges Delerue, ont des sonorités Japonaises s'accordant parfaitement à l'ambiance "Film Noir". Ce compositeur est connu pour avoir participé à la Nouvelle Vague par sa rencontre avec François Truffaut & Jean-Luc Godard

Excellent polar sombre à l'allure Melvillien - Le Doulos est sorti une année plus tôt. Le charme de Rififi à Tôkyô est son tournage se passant intégralement au Japon, Jacques Deray nous montre la mégalopole Nippone sous un angle proche du documentaire, avec une représentation sociale empreinte de réalisme inscrit dans les codes du genre. Une découverte agréable sans aucun doute…

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