dimanche 21 février 2016

Deadpool (2016)

Projet de la dernière chance à Hollywood pour Ryan Reynolds. Le comédien canadien s'est battu contre vents et marées pour que les spectateurs puissent en profiter : Après une première apparition désastreuse dans X-Men Origins : Wolverine, l'acteur a voulu proposer une version de Deadpool telle que les amateurs de comics-book le connaissent. Irrévérencieux, outrancier, vulgaire, il n'est clairement pas dans les canons des films Marvel Studio proposés depuis lors.

Ce projet est en développement depuis de nombreuses années. En Mai 2000, Marvel Studio annonce un film Deadpool en partenariat avec Artisan Entertainment,  cela doit être le tout premier long-métrage produit sans l'aide de major. Cependant en 2004, la société change de crémerie en s'alliant avec New Line Cinema. Intrigue scénarisé par David S. Goyer - Auteur de la trilogie Batman de Christopher Nolan - avec dans le rôle principal Ryan Reynolds, mais ce projet d'adaptation est avorté en 2003, à cause de Blade : Trinity. Le scénariste d'X-Men Origins : Wolverine, David Benioff ayant pensé à tout, intègre cette grande gueule dans son récit, car entre temps 20th Century Fox rachète les droits du comics-book à Marvel Entertainment. En Mai 2009, après la sortie de la médiocre aventure du griffu, le studio annonce la mise en chantier de Deadpool. La productrice historique de la saga X-Men Lauren Shuler Donner annonce qu'il s'agit d'un reboot du personnage et qu'il se rapprochera plus de l'esprit du comics-book... De toute manière X-Men : L'Affrontement Final & X-Men Origins : Wolverine, ne font plus partie de la continuité.

En Janvier 2010, 20th Century Fox embauche deux scénaristes, Rhett Reese & Paul Wernick, responsable de Bienvenue à Zombieland. Rapidement une première ébauche du scénario fuit sur internet, les retours des amateurs du comics-book sont assez positifs, le studio débloque alors un petit budget pour des séquences tests. En parallèle Robert Rodriguez reçoit le script mais après plusieurs négociations, le cinéaste refuse de participer à l'aventure. Le nom du clipper Adam Berg est sérieusement évoqué mais finalement en Avril 2011 c'est Tim Miller, spécialiste des effets-spéciaux, qui remporte la mise comme réalisateur du projet Deadpool.

Les fameuses séquences tests crées en 2012 par Blur Studio, avec Ryan Reynold en motion-capture, sont divulguées sur la toile pendant l'été 2014. Devant les nombreux retours enthousiastes de ce mini-clip, 20th Century Fox annonce la mise en chantier immédiate du long-métrage avec comme date de sortie le 12 Février 2016. Entre temps Simon Kinberg confirme que Deadpool fera partie de l'Univers cinématographique X-Men.

Au cours des longues années de développement, Rhett Reese & Paul Wernick ont rédigé d'autres versions, y compris un récit PG-13. L'un des scénaristes estime "environ soixante dix pour cent du projet initial a fini dans le long-métrage". Suite aux nombreuses modifications, la production de Deadpool a dû faire un choix draconien dans les différents adversaires ou alliés de la grande gueule de Marvel Comics à cause de problèmes budgétaires, adieux CannonBall - Rocket en Français - & Garrison Kane d'X-Force. Ce dernier est supprimé à cause de ses armes cybernétique ingérable en C.G.I pour cette petite production.

Initialement un adversaire supplémentaire de taille est également évoqué par la production, il s'agit de Cable - Le fils de Cyclope & de Madelyne Pryor. Son apparition est supprimé, 20th Century Fox préfère réserver ce célèbre mutant pour une suite potentielle.  

Lors du leak sur internet de la fameuse séquence test, bien que le studio a donné son "green light", la major hollywoodienne suspectant son comédien demande donc à Ryan Reynold d'où vient cette fuite. "Je l'aurais fait, si j'avais su qu'il causerait de ça ! … Maintenant, nous sommes arrivés à faire Deadpool. Nous recevons pas le même budget que la plupart des films de super-héros, mais nous faisons ce que l'on souhaite". En parlant d'argent, Rhett Reese déclare même que le projet se retrouve réduit à la dernière minute de sept millions de dollars, forçant ainsi les scénaristes à effectuer de nombreuses réécritures.

L'ancien mercenaire Walde Wilson devient Deadpool à la suite d'une lourde expérience médicale. Doté d'un pouvoir de régénération surhumain et d'un humour noir sans limite, notre super-héros se lance à la poursuite d'Ajax ou de Francis, l'homme qui a détruit sa vie. Dans sa quête de vengeance il sera aidé malgré lui par deux X-Men : Colossus & Negasonic Teenage Warhead.

Après Les Gardiens de la Galaxie de Marvel Studio, voici que la maison des idées nous refait le coup du Walkman, cette petite touche de nostalgie, ode à la hype du héros cool qui met en pièce ses adversaires ou qui embrasse sa dulcinée sous de la musique eighties. C'est d'une originalité… Nouveau poulain pour sa première aventure sur grand écran, Deadpool arrive enfin au cinéma pour casser la baraque avec son Rated.

Depuis plusieurs années maintenant, DC ComicsMarvel Comics se livre un combat sans répit pour goinfrer le spectateur de super-héros. Pour se différencier les deux maisons d'éditions ont choisi d'inscrire leurs productions dans deux tonalités opposées. D'un côté, vous avez le sérieux, le charisme sombre de DC Comics emmené par le duo Christopher Nolan / Zack Snyder, et de l'autre, vous avez l'esprit ricanant de Marvel Comics, un humour auto référencé qui fait fortune au box-office avec le Marvel Cinematic Universe.

Le premier long-métrage de Tim Miller raconte une énième histoire d'origine monotone et sclérosé par l'archétype Marvel Comics. Pour sa première aventure solo au cinéma Deadpool se retrouve aseptisé comme Wolverine. Notre héros est loin de Rorschach de Watchmen - Les Gardiens, de son nihilisme, de cette solitude haineuse, ; Deadpool n'a pas l'humour noir d'un Ben de C'est arrivé près de chez vous ni la folie sanguinaire enfantine d'Hit Girl de Kick Ass, ni l'indépendance geek d'un Scott Pilgrim. Il n'est qu'un simple produit de plus de l'écurie Marvel Comics, un faux antihéros qui rentre dans le rang pour sauver l'humanité.

Deadpool, ou Walde Wilson, est un mercenaire au passé accablant, qui menace des ados pré-pubères, et qui se voit diagnostiquer un cancer et essaye de sauver sa vie grâce à une clinique clandestine mais l'expérience rate et son corps crame.  Sauf qu'il veut se venger et retrouver son apparence d'avant pour reconquérir sa belle. Notre héros est un sociopathe, c'est dommage que Deadpool n'aille pas au bout de son idée, et s'oblige à sortir les violons dans des moments d'émotions dans un long-métrage qui se veut l'inverse. Rire de soi, se désolidariser d'une mouvance ostentatoire, démystifier l'aura pompeuse des super-héros, c'est l'esprit d'un film, qui à travers son personnage est entre deux eaux : Faire un film de super-héros ou ne pas faire un film de super-héros, that is the question ?! Et c'est le souci ici, à l'image de cette romance qui symbolise l'imposture : On passe du god-ceinture potache amusant qui se défait du stéréotype du mâle alpha, aux scènes lacrymales habituelles lors de l'annonce du cancer ou des retrouvailles de fin où le physique ne comptera plus, où l'amour triomphera. Contradiction vous avez dit ?!.

Tout de même, Deadpool a quelques cartes dans sa manche pour plaire, comme son introduction décomplexée et jouissive, où les crédits habituels du générique sont remplacés par des adjectifs comme "crétin", "abruti", "con", "débile"… sous fond d'Angel of the Morning de Juice Newton. N'oublions pas son esprit pop-corn non dissimulé, son côté anti-spectaculaire efficace, mais le long-métrage de Tim Miller ne dépareillera en rien avec l'écriture habituelle du concurrent Marvel Studio, avec ses méchants navrants comme Ajax / Francis interprété par Ed Skrein sosie de Jay Courtney (Terminator Genesys, Die Hard : Belle Journée pour Mourir) avec encore moins de charisme, ses super-héros de pacotille (Colossus et son discours moralisateur sur les super-héros qui ne sert que de runing-gag à la fausse irrévérence de notre héros), ses personnages secondaires qui ne servent de faire valoir humoristique (le néanmoins drôle taxi indien), cette mise en scène qui manque clairement de souffle et sa photographie d'une laideur low cost assez confondante digne d'un Direct-To-video de Steven Seagal.


Quant à l'humour, il faut l'avouer ce n'est pas très fin, et souvent référentiel (dont une blague sublime sur Gandalf du Seigneur des Anneaux et une séquence de "combat" démembré contre Colossus rappelant Sacrée Graal des Monty Python). Mais ce long-métrage est clairement l'oeuvre que les amateurs du comics-book attendait, les quotas de pulvérisation du quatrième mur, de références, de blagues en tout genres, de sous entendus salaces… Et ce Deadpool ne manque pas d'autocritique sur lui-même "Quoi ?! Que deux X-Men ? On avait pas le budget pour plus ?".



De nombreux clins d'oeil et références à la Pop-Culture sont inclus, voici une petite liste non-exhaustive .

- Avant même que Deadpool ne commence vraiment, on peut voir une image d'un personnage habillé en Green Lantern. À la clinique pour subir sa transformation, Wade Wilson demande qu'on ne lui donne pas un costume de super-héros vert et sans effets spéciaux numérique "Pitié, ne me mettez pas un costume vert… ni en image de synthèse !". Bien évidemment il s'agit d'un clin d'oeil au rôle de Ryan Reynolds dans Green Lantern.

- Walde Wilson tient au début du film, pendant quelques instants, une petit figurine qu'il jette avec un certain désintérêt. Il s'agit de Deadpool lui même mais l'horrible version X-Men Origins : Wolverine. Lors de la conclusion finale, notre héros retire sa cagoule pour montrer son visage à sa douce Vanessa, il porte un masque en papier l'effigie d'Hugh Jackman qui interprète le griffu Wolverine dans saga X-Men.

- Toujours dans la franchise des mutants, lorsque Colossus veut emmener Deadpool au manoir des X-Men pour qu'il voit le Professeur Xavier, notre grande gueule demande "Patrick Stewart ou James McAvoy ? On s'y perd un peu dans leur continuité !" en référence aux deux comédiens qui ont incarné le célèbre chauve de l'univers Marvel Comics.

- Pour les cinéphiles & mélomanes : Après avoir fait un cauchemar, Wade Wilson dit à Vanessa qu'il a rêvé que la fille de Liam Neeson se faisait enlever. Bien sur cela renvoie à la série de film Taken. Quand Deadpool voit pour la première fois Negasonic Teenage Warhead, il compare la jeune fille à la chanteuse Sinéad O'Connor, puis à Ellen Ripley d'Alien 3. Notre héros se mutile la main avec un clin d'oeil à 127 heures. Enfin, lors de la scène post-générique, le psychopathe de Marvel Comics fait une référence au long-métrage La Folle Journée de Ferris Bueller, reprenant le peignoir de Matthew Broderick et le décors, ainsi que les premières phrases de la scène. Ryan Reynolds change cependant légèrement la fin, parlant alors de Samuel L. Jakson dans le rôle de Nick Fury dans le Marvel Cinematic Universe.

- Lors de l'affrontement final contre les mercenaires se déroulant dans l'épave d'un aéroporteur du Shield. Pan de la mythologie Marvel Comics & de Marvel Studio appartenant pourtant à Walt Disney Company. Deadpool tombe sur un de ses anciens amis appelé Bob, clin d'oeil à Bob de l'Hydra. 

Concept-Art de l'aéroporteur du Shield présent dans Deadpool.

Comme dans son propre comics-book, notre héros brise sans cesse le fameux quatrième mur. Deadpool est conscient d'être dans un film et ne cesse de parler face caméra. 

Avec un Ryan Reynolds sans doute dans le rôle de sa vie. Alors en pente descendante à Hollywood, le comédien s'est battu comme un lion pour incarner Deadpool, et il faut dire que si, en temps normal, il ressemble à un blanc-bec, sous le masque du héros, il devient complètement fou. Il y a des personnages tout aussi barrés comme Blind Al, interprétée par Leslie Uggams (Poor Pretty Eddie), sa femme de ménage aveugle dont la passion est de monter des meubles Ikéa ! N'oublions pas la sublime Morena Baccarin (Homeland), en tant que femme de Wade Wildon.

Deux caméos sont visibles lors de la scène dans le club de striptease. Ce bon vieux Stan Lee & Rob Liefeld, co-créateur du personnage.

S'inscrivant dans une veine moins pragmatique et plus humaine du super-héros, qui ne sur-joue jamais le trauma, Deadpool est souvent bourré de surprises, y compris annales, et c'est peut être ce qui manquait aux récents films adapté de comics-book, ce ton sérieux aseptisé. Une franche rigolade, jusqu'au boutiste et finalement, ça fait du bien ! On pourra regretter que le budget réduit emmène le spectateur dans des décors à peau de chagrin (en gros, une casse et un bout d'autoroute), un méchant peu charismatique et inintéressant, une conclusion à contrario de la grande gueule de Marvel Comics… Mais au fond, ça reste une très bonne surprise ! Au faite chère lectrice & lecteur, "tu as quelque chose de coincé entre tes dents !".


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