vendredi 7 octobre 2016

Tu ne tueras point (2016)

 

Résurrection d’un pestiféré. 


Infréquentable à Hollywood, Mel Gibson revient derrière la caméra en renouant avec son cinéma de bruit et de fureur, insufflant un air de sacré – forcément ! – dans un film de guerre à la dimension visuelle ahurissante. Mad Mel is back !

Le retour de Mel Gibson à la réalisation s’est fait attendre, c’est peu de le dire. Au-delà de ses accomplissements d’acteur, Mel Gibson est incontestablement un metteur en scène accompli, comme en attestent les réussites artistiques indiscutables que sont Braveheart (1995) et Apocalypto (2006), fragments d’une œuvre cinématographique consacrée toute entière au respect des libertés individuelles et collectives. Après une traversée du désert longue de dix ans, le retour de Mel Gibson comme réalisateur était une évidence, mêlée d'excitation et de défiance dans les esprits des cinéphiles.

La Passion du Christ, plus gros succès de l'histoire du ciné indépendant, était brillamment mis en scène et puissamment interprété, mais il était difficile après coup d’y voir autre chose qu’un outil de propagande brandi par un extrémiste religieux qui s’ignore. Mis au ban d’Hollywood après moult déclarations fumeuses et dérapages comportementaux compromettants qui ont définitivement (?) terni son image,Mel Gibson entreprend alors son chemin de croix, enchaînant petits rôles anecdotiques mais expiatoires. Quand une partie de la presse souligne son retour en grâce cette année dans le très inégal Blood Father de Jean-François Richet, avec une interprétation effectivement jouissive qui se rappelle aux bons souvenirs des meilleurs moments de sa carrière, voilà que l’acteur australo-américain remet le pied en terrain glissant. Après la confirmation de la mise en chantier d’une suite à La Passion du Christ, une annonce déjà polémique en elle-même, voici que débarque Hacksaw Ridge (Tu ne tueras point, chez nous, dévoilé à la Mostra de Venise)… Son premier film comme réalisateur depuis une décennie, construit autour de la Foi de son personnage principal. Ce n’est finalement une surprise pour personne mais voilà qui avait malgré tout de quoi laisser perplexe sur le papier.


Le véritable Desmond T. Doss.

Le personnage en question est Desmond T. Doss, vétéran de la bataille d’Okinawa et premier objecteur de conscience de l'armée américaine à se voir récompenser de la médaille du mérite pour bravoure au combat. Une figure peu commune et suscitant respect et admiration, indépendamment de toute affiliation religieuse. Le mérite du bonhomme ? Affronter le feu ennemi et sauver à lui seul un peu plus de soixante dix soldats comme infirmier, tout en ayant refusé de porter et de se servir d’une arme, suivant à la lettre le commandement biblique.

Soucieux d’échapper à toute accusation de prosélytisme, Mel Gibson décide de s’en tenir aux faits et base son film sur l’excellent documentaire de Terry Benedict (The Conscientious Objector, 2004), qui était d’une grande retenue et subtilité dans son approche du sujet. 


Disons-le tout net : de retenue et de subtilité, il n’en est pas vraiment question dans Tu ne tueras point.  Le metteur en scène dissimule bien mal son intérêt principal pour le sous-texte religieux et de nombreux confrères (au sein de la rédaction y compris) se sont déjà ému de ce point de vue supposé biaisé qui mettrait de facto les croyants au-dessus des non-croyants dans l’échelle de valeur des courageux et des nobles d’esprit. Oui, la religion est un peu on the nose ici (le titre français, pour une fois, ne trompe pas sur la marchandise) mais ce sous- texte très présent n’exprime en réalité aucun constat d’ordre spirituel. La caméra est centrée sur Desmond T. Doss et son cas de conscience lié à ses croyances personnelles, certes, mais jamais il ne sera question d’un jugement d’ordre moral ni de l’établissement d’une supériorité quelconque. Gravitant autour de Desmond T. Doss  les personnages secondaires n’en paraissent pas moins bons ou moins courageux (qui peut l’être réellement dans ce contexte ? Avaient-ils le choix ?). On notera d’ailleurs que si la prestation d’Andrew Garfield est impeccable, les comédiens qui partagent l’affiche avec lui sont au diapason, conférant une humanité tout aussi poignante et défendable à leurs personnages respectifs. Hugo Weaving est bouleversant en père alcoolique et autodestructeur, Vince Vaughn est crédible en Sergent instructeur au grand cœur et Luke Bracey est surprenant de charisme (on ignorait qu’il y avait un tel potentiel de star en lui !).

 N’est pas Terrence Malick qui veut, cependant. Là où La ligne rouge humanisait l’ennemi pour mieux souligner le caractère horrible et superflu du conflit armé, Mel Gibson ne s’embarrasse pas de détails et se focalise uniquement sur le combat que Doss mène contre l’ennemi et contre lui-même. Le « Jap » s’en trouve réduit à une figure purement abstraite (qu’un gradé de l’armée désigne comme étant satan, ce qui est particulièrement symptomatique dans le contexte évoqué plus haut), un être fourbe, sans foi ni loi, qui n’en a cure de vivre ou de mourir… Définition regrettable que ne viendra pas tempérer une brève scène de rencontre avec un blessé Nippon, seul véritable moment de compassion. Bref, tout cela n’est peut-être pas d’une très grande finesse et l’ensemble s’avère souvent naïf aux yeux du profane, mais point de prosélytisme religieux ici. Certains seront peut-être gênés aux entournures par une forme d’angélisme, une naïveté nettement visible dans la première moitié du film qui diffuse un air de classicisme un peu suranné au cœur d’une narration à l’apparence convenue. Mais il s’agit en réalité d’un processus conscient, une construction au contraire très travaillée qui a pour seul but de créer un décalage d’atmosphère brutal et souligner l’effondrement de cet idéalisme de grenouille de bénitier au profit de la sauvagerie et de la fureur mettant à mal les croyances de Desmond T. Doss  La première scène de bataille survient comme une explosion de grenade dans la gueule et figurera longtemps dans les tablettes comme l’une des scènes les plus marquantes de l’année… si ce n’est de l’histoire du cinéma tout court ! La réalisation en apparence conventionnelle du début du récit a fait place aux morceaux de bravoure à répétition, dans un déluge de sauvagerie qui laisse loin derrière le fameux premier quart d’heure de Il faut sauver le soldat Ryan de Steven SpielbergUn choc sensoriel, aussi bien visuel que sonore, orchestré de main de maître avec un chef opérateur de haut vol, le Kiwi Simon Duggan (vu chez Alex Proyas, Len Wiseman, Baz Luhrmann ou encore Duncan Jones). Un tour de force, et un retour par la grande porte pour un pestiféré. Rendez-vous aux Oscars 2017 ?

Même si Mel Gibson ne peut s’empêcher de terminer les aventures de Desmond T. Doss sur une note visuelle christique un peu facile et superflue (le brancard, telle une descente de croix), le réalisateur échappe à l’écueil du happy end moralisateur en donnant la parole au véritable Desmond T. Doss et en faisant parler les images d’archives. Celles-ci valent mieux qu'un long discours. Mel Gibson ponctue ainsi avec retenue un long-métrage parfois sanctifiant dans son propos mais sincère et brillant dans sa conception. Captivant. Mel is back, qu’on se le dise !

Critique écrite par Ludovic Gottigny (journaliste à Clap Mag)



dimanche 2 octobre 2016

Tiger Mask W - Episode 1 : Les deux Tigres


À l'origine Tiger Mask est une création originale d'Ikki Kajiwara, "le Dieu du manga sportif", scénariste devant sa renommée au manga de baseball L'étoile des Géants (Kyôjin no hoshi). Et Derrière les coups de crayons pour donner vie à ce catcheur à tête de Tigre sur quatorze volumes nous retrouvons le mangaka Naoki Tsuji.

Évidemment son adaptation ne tarde pas à arriver sur la petite lucarne - le 2 octobre 1969. La société qui s'occupe des aventures de Tiger Mask n'est autre que Tôei Animation, célèbre studio d'animation.  

Au sein de l'équipe de production le regretté Kazuo Komatsubara (UFO Robo Grendizer - Goldorak -, Space Pirate Captain Herlock - Albator), ce technicien hors pair est à la fois Character Designer et aussi directeur de l’animation, n'hésitant pas à cumuler fréquemment ces deux postes.


Dans un entretien mémorable accordé à Animeland (numéro 74, page 65) l'épouse de Kazuo Komatsubara raconte une anecdote lors de la production de la série. Son mari était si attaché à cette série que pour le dernier épisode, il a voulu que celui-ci soit fignolé à la perfection, avec plus d'étapes d'animation qu'à l'accoutumée. Ce qui malheureusement retardera son voyage de noces !. Lors de sa diffusion Kazuo Komatsubara avait réservé une chambre dans un hôtel afin que lui et sa femme voient en direct le dernier épisode de Tiger Mask dont il avait dirigé l'animation et dont il était très fier ! Madame Komatsubara avait également expliqué qu'à cette époque, les magnétoscopes n'existaient pas encore et qu'on ne pouvait pas enregistrer les émissions à la télévision. Des nombreuses oeuvres d'animation auxquelles ce géant de l'animation a participé, Tiger Mask & Space Pirate Captain Herlock - Albator étaient ses préférées. 

Kazuo Komatsubara était un véritable artiste passionné dans son travail, un géant de l'animation Japonaise...

Hommage à Tiger Mask de Junichi Hayama,
responsable de l'animation sur Tiger Mask W.

Quant aux musiques de Tiger Mask, celles-ci sont composées par Shunsuke Kikuchi, célèbre mélomane connu pour ses partitions de nombreuses séries culte comme UFO Robo Grendizer - Goldorak -, Dr Slump ou encore la saga d'Akira Toriyama Dragon ball & Dragon ball Z …. 

Cette première série narre les aventures de Naoto Date, un catcheur au masque en forme de tête de tigre qui décide d’aider les enfants d’un orphelinat, son identité doit rester secrète car il combat l'organisation secrète Tiger's Hole, dirigé par Mister X. Tiger Mask marque les esprits d'une génération par son dynamisme et sa violence visuelles. L'anime compte 105 épisodes, sa diffusion se termine le 30 septembre 1971.

En France nous avons seulement connu la deuxième série, Tiger Mask II - diffusé le 20 Avril 1981 au Japon - grâce à l'unique VHS (ou Bêta-Max au choix) disponible à l'époque chez l'éditeur Jacques Canestrier sous le nom Le Tigre : L'invinsible Masqué, seulement trois épisodes sont alors disponibles en version Française sur les trente-trois diffusés sur l'archipel… Une goutte dans l'océan.


 "Je suis Le Tigre !"


En Juillet 2016, Tôei Animation annonce à la surprise générale la diffusion pour l'automne d'un nouvel opus du catcheur à tête de Tigre, Tiger Mask W (prononcé "double"). Le comité de production déclare également que des catcheurs de la ligue New Japan Pro Wrestling apparaitront dans certains épisodes.

Le réalisateur Toshiaki Komura a officié sur de nombreuses séries d'animations comme Ring ni Kakero, Kinnikuman II - Ultimate Muscle… Ce dernier n'est pas inconnu dans le domaine des séries d'actions. Le Character Design est assuré par Hisashi Kagawa, qui a travaillé sur Toriko. On retrouve également Junichi Hayama en responsable de l'animation, animateur connu pour avoir officié sur Hokuto no ken 2 - Ken le survivant -, les OVAs de Jojo's Bizarre Adventure, Sakigake !! OtokoJuku…


Deux jeunes catcheurs professionnels, Naoto Azuma & Takuma Fujii font parties de la "Pro Wrestling Jipang", une petite équipe de catch, jusqu’à ce qu’elle soit écrasée par Yellow Devil, un membre de l'organisation criminelle qui est derrière la fédération "Global Wrestling Monopoly". Pour planifier leur revanche, Azuma a suivi un entraînement intensif devenant ainsi le nouveau Tiger Mask, tandis que Takuma est entré dans la dangereuse organisation The Tiger’s Hole contrôlé par Miss X, devenant Tiger the Dark…

Un orphelinat abandonné… 
Clin d'oeil aux anciennes séries de Tiger Mask.

Générique original remit au goût du jour, organisation secrète The Tiger's Hole, The Yellow Devil… Des noms et des sonorités familières qui résonnent à l'oreille des connaisseurs de l'univers de Tiger Mask. Seul changement au tableau le méchant gentleman Mister X a troqué sa place avec l'époumoner Miss X. Dans ce premier épisode, il est donc question de vengeance. Daisuke Fujii maître de Naoto Azuma et père de Takuma Fujii, a été grièvement blessé lors de son affrontement contre les catcheurs Yellow Devil & Odin. Les deux jeunes hommes entreprennent alors un entraînement rigoureux chacun de leur côté, l'un deviendra Tiger Mask alors que l'autre rentre dans l'organisation The Tiger's Hole dirigée par Miss X pour incarner Tiger The Dark.
    
Ce premier épisode comporte quelques
Harmony Cel.

Avec ce premier épisode, Tôei Animation produit une oeuvre virile inscrite dans les Seventies. Le trait des différents protagonistes sont rugueux, le graphisme n'est pas plus doux que celui des précédentes séries. Rien de tel qu'un vieux trait bien raide et gras pour donner le sens du style et une impulsivité à l'écran, d'autant que ce Tiger Mask W nous offre ici et là des Harmony Cels.



La violence graphique, marque de frabrique de la série, est présente amenant son lot de gerbes de sang à l'écran, d'entraînements terrifiants en montagne et de combat à main nue contre des ours !. Les affrontements entre les différents catcheurs sont bien chorégraphiés, nous sommes loin de l'honteux Abarenbou Rikishi !! Matsutarô adaptation d'un manga de Tetsuya Chiba (Ashita No Joe) sur le sumo où Tôei Animation avait offert aux spectateurs le zéro de l'animation...

Le générique de fin de Tiger Mask W rend hommage à la première série datant de 1969, son aspect au fusain, si particulier raide et abrupte s'accomode parfaitement avec les nouveaux protagonistes de cet opus.

  

La force de ce premier épisode est indéniablement son aspect rétro & kitch à souhait. Tiger Mask W est une oeuvre pour salary man quarantenaires qui n'en ont rien à faire des modes éphémères d'Akihabara, leurs préférant les ré-interprétations décomplexées des mythes de cette industrie du divertissement qu'est devenue l'animation japonaise... Pour l'instant cette série s'inscrit comme la petite surprise de l'automne 2016, en espérant bien évidement que les aventures de Naoto Azuma continuent à tenir la corde du ring…