Archétype même du petit film Français, sans grande prétention, peu connu du grand-public. Ce qui ne n'empêche pas le long-métrage de battre des records d'audiences lors de ses nombreuses rediffusions télévisées comme le souligne très justement son auteur & scénariste José Giovanni.
Co-Production Franco-Italienne et troisième long-métrage, juste après La Belle vie & La Rivière du Hibou, du jeune cinéaste Robert Enrico. Le réalisateur signera plusieurs oeuvres populaires dans le paysage du cinéma Français comme Les Aventuriers, Ho !, Boulevard du Rhum… Sa consécration arrive en 1975, avec Le Vieux Fusil qui remporte l'année suivante de nombreux Césars dont le premier César des Césars la plus haute distinction de cette académie.
Adaptation du roman Le Haut-Fer du controversé écrivain, scénariste José Giovanni. Ancien collabo et repris de justice condamné à mort pour trois assassinats celui-ci échappe de peu à la guillotine le 3 Mars 1949 où il est gracié par le président Vincent Auriol. Quelques années après sa sortie de prison, l'ex-taulard devient un écrivain à succès grâce Au Trou, où il raconte sa tentative d'évasion. En 1958, le romancier rentre dans la prestigieuse collection "série noire" avec Classe tout risque, Le Deuxième souffle… Ses romans noirs le conduisent naturellement au cinéma, ou José Giovanni occupe alors plusieurs postes tout au long de sa carrière : Scénariste, dialoguiste et réalisateur dont il signe des classiques populaires comme Le Ruffian, La Scoumoune, Dernier domicile connu, Deux hommes dans la Ville…
Le projet Les Grandes Gueules née sur une idée de José Giovanni où Lino ventura serait un meneur d'homme dans un environnent physique. Il lui propose alors le scénario et le rôle d'Hector, le gérant. Pour écrire sa nouvelle Le Haut-Fer, José Giovanni c'est un peu inspiré de sa jeunesse. À une époque le romancier a fait du bûcheronnage pendant la Seconde Guerre Mondiale dans un mouvement du nom de "Jeunesse & Montagne". Ce dernier était guide de Haute-Montagne, avec ses compagnons il se promenait dans des endroits dangereux pour récupérer du bois dans des couloirs d'avalanche par exemple. Pour son inspiration à propos de ce film, l'écrivain se rend dans les Vosges, où il trouve les décors du futur long-métrage, dont la scierie de la Clairière du Cellet. Il sympathise difficilement au premier abord avec le propriétaire des lieux. Une fois de retour chez lui, il se met sur l'écriture de son roman et fait une première adaptation mais l'intrigue ne fonctionne pas pour un comédien de la trempe de Lino Ventura. Celui-ci ne peut pas être encombré d'une main d'oeuvre, il ne peut que dominer ses ouvriers.… Le projet tombe à l'eau pour l'instant. Un jour en discutant de ce film avec un ami, José Giovanni pense que le rôle d'Hector doit correspondre à une personne venant du terroir, le romancier s'imagine alors Bourvil comme interprète… Une fois les comédiens principaux trouvés, le scénariste se met à la recherche du metteur-en-scène, après avoir vu La Rivière du Hiboux, il propose à son producteur : Robert Enrico. Le jeune cinéaste accepte alors de réaliser Les Grandes Gueules.
Affiche Italienne. |
Hector Valentin, un Français vivant depuis plusieurs années au Canada, rentre au bercail après avoir appris le décès de son paternel. L'homme a hérité d'une scierie dans les Vosges… De retour chez lui, il constate avec dépit que le "haut-fer" est en ruine mais décide tout de même à faire revivre l'entreprise familiale. Cependant un concurrent du nom de Therraz apprend son arrivé au village, celui-ci se présente dans le but de lui racheter son héritage. Devant le refus catégorique de vendre et la détermination du nouveau venu, l'homme d'affaire n'aura de cesse de lui mettre des bâtons dans les roues. Lors d'une vente aux enchères, Hector Valentin est repéré par Laurent & Mick, anciens détenus venus accomplir une vengeance. Les deux hommes comprennent assez vite la situation désespéré du jeune entrepreneur, ils lui proposent alors d'embaucher des détenus en liberté conditionnel en guise de main-d'oeuvre. leur patron hésite dans un premier temps et accepte finalement…
Cette image d'Épinal forestière est pour le moins trompeuse, marquant une réalité bien plus contrastée. Car ici, comme ailleurs, tout n'est pas idyllique et, entre deux conifères, la véritable nature de l'homme se révèle : Bestiale, brutale, égoïste, cupide mais également parfois généreuse et chaleureuse. Il n'y a ni ange, ni démon, mais des hommes dans toute leur complexité, aussi bon que salaud, aussi fort que faible et aussi courageux que lâche. Ainsi, c'est dans ce cadre sauvage que Robert Enrico transporte son histoire d'hommes, révélant avec force les comportements des uns et des autres. Car au milieu de la nature, la triche est impossible !
"Le haut-fer" désigne dans le massif des Vosges une scierie traditionnelle dont la force motrice hydraulique est constituée d'un banc, porteur de la grume - appelée tronce - qui avance en face d'une lame verticale à mouvement alternatif.
Les Grandes Gueules raconte donc le combat titanesque d'un David contre Goliath ou entre le pot de terre et le pot de fer. En filigrane de cette histoire virile José Giovanni & Robert Enrico aborde d'une manière très habile, un thème social qui est toujours d'actualité, à savoir la survie de l'artisanat dans le monde moderne, du patron de petite entreprise contre de gros exploitants. Hector Valentin est le rescapé d'un univers qui tend à disparaître, celui où ces petits ouvriers pouvaient encore jouir du fruit de leur labeur, son combat est perdu d'avance avec Therraz. Le scénariste transpose ainsi une brillante retranscription de l'opposition monde rurale / monde moderne. Mais en parallèle à cette bataille, le romancier traite de la morale et de la vengeance, de l'importance des traditions et des valeurs humaines de ces artisans, aussi des préjugés sur les anciens détenus et de l'amitié.
Brigitte Bardot l'idéal féminin de l'époque pour les hommes. |
Les Grandes Gueules raconte donc le combat titanesque d'un David contre Goliath ou entre le pot de terre et le pot de fer. En filigrane de cette histoire virile José Giovanni & Robert Enrico aborde d'une manière très habile, un thème social qui est toujours d'actualité, à savoir la survie de l'artisanat dans le monde moderne, du patron de petite entreprise contre de gros exploitants. Hector Valentin est le rescapé d'un univers qui tend à disparaître, celui où ces petits ouvriers pouvaient encore jouir du fruit de leur labeur, son combat est perdu d'avance avec Therraz. Le scénariste transpose ainsi une brillante retranscription de l'opposition monde rurale / monde moderne. Mais en parallèle à cette bataille, le romancier traite de la morale et de la vengeance, de l'importance des traditions et des valeurs humaines de ces artisans, aussi des préjugés sur les anciens détenus et de l'amitié.
José Giovanni nous décrit de bon villageois Vosgiens se disant "biens pensants" en butte à de nouveaux arrivants au passé certes douteux mais dont la plupart sont en quêtes d'une réinsertion. Malheureusement, la lâcheté et l'opportunisme sont bien souvent l'un des maîtres-mots de notre société, et le film de Robert Enrico le démontre fort bien en nous décrivant ce bon peuple tenu en respect par l'intermédiaire de Therraz "l'homme le plus fort de la vallée" et de ses sbires, cupides et violents. Ainsi vont les gens, ils ne sont pas contre la réinsertion sociale des délinquants à une seule condition, qu'elle se déroule loin de chez eux.
Nous sommes devant une histoire écrite par José Giovanni, forcément l'amitié prend une place centrale dans cette intrigue, chez lui il n'y a pas besoin d'en faire des tonnes pour qu'on comprenne les liens qui unissent les personnages, on appel ça un talent d'écrivain, son vécu et passé aide beaucoup à la crédibilité de ses récits, l'ex-taulard connaît parfaitement son sujet.
Le spectateur est devant une véritable histoire d'hommes et de fraternité. Le fait que cette oeuvre a été filmée dans de merveilleux éléments naturels amplifie l'authenticité et la dramaturgie de l'intrigue. Nous avons le privilège d'assister à ce merveilleux face à face entre deux monstres sacrées du cinéma Français, André Bourvil saisissant d'émotion, démontrant avec ce rôle dramatique les immenses facettes de son talent et Lino Ventura tout aussi émouvant. Car ici on ne fait pas dans la demi-mesure, on fait dans le rapport viril, ce n'est pas très gracieux mais ça peut-être beau à voir lorsque cela débouche sur de l'amitié ou une franche camaraderie ! Et c'est ce qui rends ces bonhommes si attachants.
Qui a dit qu'en France on se savait pas réalisé de Western ?! Or ici, Robert Enrico & José Giovanni nous livrent bien une fable de l'Ouest. Remplacez Monument Valley par les scieries des Vosges avec un grand méchant contrôlant toute la région. Dans les Western traditionnels, c'est du bétail, ici c'est du bois et des parcelles de forêts. Mais voilà qu'arrivent des héros solitaires. Ce sont des ex-détenus. Ils vont aider les petits, les oppressés, mais auront aussi leurs intérêts personnels. Les Grandes Gueules comportent des dizaines de références au genre : Le Stetson d'André Bourvil, sa carabine, les poses magnifiées de Lino Ventura la cigarette à la main et le regard fatigué, le train… Le CinémaScope accentue encore plus cette ambiance.
Pour l'anecdote la scierie de la Clairière du Cellet avait été entièrement ravagé par les flammes par son propriétaire avant le début du tournage. Celui-ci a fait une grave dépression qui l'a emmené tout droit à l'hôpital où il est décédé là-bas malheureusement. L'équipe de production a dû reconstruire entièrement le lieu du tournage dont le fameux petit train, heureusement "le haut-fer" n'avait pas été ravagé par les flammes.
Outre la rencontre "princière" entre les deux têtes d'affiche des Grandes Gueules, nous retrouvons des gueules d'acteurs bien connu du cinéma Français comme Michel Constantin éternel voyou au coeur tendre, grand habitué de José Giovanni ou encore le monstrueux Jess Hahn, un des plus célèbre Américains du cinéma Français et la participation de Paul Crauchet (L'armée des Ombres, Tante Zita). La belle Marie Dubois nous éblouit par sa sensibilité et son bon sens dans ce personnage délicat que la comédienne compose à merveille. Enfin un petit mot sur Jean-Claude Rolland, le compère de Lino Ventura, qui pouvait espérer faire une longue carrière, malheureusement il se suicidera un peu plus d'un an après la sortie du film… Ironie du sort, son personnage est le seul à mourir. Tout les seconds rôles sont d'une grande crédibilité.
Le spectateur est devant une véritable histoire d'hommes et de fraternité. Le fait que cette oeuvre a été filmée dans de merveilleux éléments naturels amplifie l'authenticité et la dramaturgie de l'intrigue. Nous avons le privilège d'assister à ce merveilleux face à face entre deux monstres sacrées du cinéma Français, André Bourvil saisissant d'émotion, démontrant avec ce rôle dramatique les immenses facettes de son talent et Lino Ventura tout aussi émouvant. Car ici on ne fait pas dans la demi-mesure, on fait dans le rapport viril, ce n'est pas très gracieux mais ça peut-être beau à voir lorsque cela débouche sur de l'amitié ou une franche camaraderie ! Et c'est ce qui rends ces bonhommes si attachants.
Qui a dit qu'en France on se savait pas réalisé de Western ?! Or ici, Robert Enrico & José Giovanni nous livrent bien une fable de l'Ouest. Remplacez Monument Valley par les scieries des Vosges avec un grand méchant contrôlant toute la région. Dans les Western traditionnels, c'est du bétail, ici c'est du bois et des parcelles de forêts. Mais voilà qu'arrivent des héros solitaires. Ce sont des ex-détenus. Ils vont aider les petits, les oppressés, mais auront aussi leurs intérêts personnels. Les Grandes Gueules comportent des dizaines de références au genre : Le Stetson d'André Bourvil, sa carabine, les poses magnifiées de Lino Ventura la cigarette à la main et le regard fatigué, le train… Le CinémaScope accentue encore plus cette ambiance.
Pour l'anecdote la scierie de la Clairière du Cellet avait été entièrement ravagé par les flammes par son propriétaire avant le début du tournage. Celui-ci a fait une grave dépression qui l'a emmené tout droit à l'hôpital où il est décédé là-bas malheureusement. L'équipe de production a dû reconstruire entièrement le lieu du tournage dont le fameux petit train, heureusement "le haut-fer" n'avait pas été ravagé par les flammes.
Outre la rencontre "princière" entre les deux têtes d'affiche des Grandes Gueules, nous retrouvons des gueules d'acteurs bien connu du cinéma Français comme Michel Constantin éternel voyou au coeur tendre, grand habitué de José Giovanni ou encore le monstrueux Jess Hahn, un des plus célèbre Américains du cinéma Français et la participation de Paul Crauchet (L'armée des Ombres, Tante Zita). La belle Marie Dubois nous éblouit par sa sensibilité et son bon sens dans ce personnage délicat que la comédienne compose à merveille. Enfin un petit mot sur Jean-Claude Rolland, le compère de Lino Ventura, qui pouvait espérer faire une longue carrière, malheureusement il se suicidera un peu plus d'un an après la sortie du film… Ironie du sort, son personnage est le seul à mourir. Tout les seconds rôles sont d'une grande crédibilité.
La superbe composition signée François de Roubaix à l'ambiance "Morriconienne" donne aux Grandes Gueules une atmosphère saisissante de Western à la Française.
Robert Enrico & José Giovanni offrent un véritable Western à la Française en plantant la caméra au coeur des cimes et des magnifiques forêts Vosgiennes. Les sujets qu'abordent Les Grandes Gueules sont malheureusement toujours d'actualités à notre époque - La mort des petits artisans et la réinsertion difficile des délinquants. Et n'oublions surtout pas la réunion au sommet de deux immenses comédiens : Lino Ventura & André Bourvil dans un rôle dramatique. Un long-métrage peu connu du grand-public à découvrir absolument !
Je pensais avoir déjà commenté ici, visiblement j'ai oublié de le faire ^^
RépondreSupprimerVu sur tes bons conseils, et effectivement, ce qui m'a frappé aussi très rapidement, c'est cette ambiance de western âpre et viril situé au fin fond des Vosges Française - aux éléments que tu cites déjà, je rajouterai bien les façade en bois du village qui rappellent celles des boomtowns de l'ouest... Bourvil est royal à contre-emploi.