Né à Rome le 3 Janvier 1929 sous le règne de Victor Emmanuel III, le réalisateur Italien nous raconte son enfance pendant la période du fascisme et de la Seconde Guerre Mondiale.
Son paternel Roberto Roberti né Vincento Leone était un acteur et cinéaste de film muet. Durant la guerre son père prend la carte au parti fasciste avant de la déchirer quatre jours plus tard pour rejoindre un groupe d'intellectuels de gauche. Sans emploi, étant donné ses prises de position engagées contre le régime de Benito Mussolini, il se retrouve obligé de mettre en vente toutes les oeuvres d'art qu'il avait acheté grâce à ses succès afin de pouvoir faire vivre sa famille.
Sergio Leone revient également sur ses premiers pas dans le monde du cinéma, suivant ainsi la voie tracée par son père.
Le jeune homme finit ses études à dix-huit ans "Je n'étais pas bon, mais j'apprenais ce qui était nécessaire pour obtenir un peu plus que la moyenne" et commence sa carrière dans le cinéma comme assistant pour Mario Camerini, son parrain. En 1948, Il participe au même poste sur Le voleur de bicyclette de Vittorio de Sica. Dans les années 50, il devient très apprécié par de nombreux cinéastes Italiens, collaborant entre autres avec Carmine Gallore sur trois longs-métrages et Luigi Comencini sur La traite des blanches. Pendant l'âge d'or où il fréquente assidûment la Mecque du cinéma Italien : Cinecittà, Sergio Leone en profite pour visiter les différentes agences de casting. C'est là, qu'il découvre une certaine Brigitte Bardot - Déjà mariée à Roger Vadim - mais quasiment inconnue à l'époque. La magnifique Française aura un petit rôle dans Haine, amour et trahison et Hélène de Troie.
Toujours au poste d'assistant, Sergio Leone côtoie les plus grands metteur-en-scène du moment Robert Wise, Raoul Walsh, Orson Welles... Son savoir-faire attire des cinéastes Américains en tournage dans les studios Romains dont Mervyn Leroy pour Quo Vadis ? et William Wyler pour Ben Hur. Les grosses sociétés Hollywoodiennes tourne de plus en plus en Italie ou en Espagne pour des raisons financières... En 1962, il termine son travail d'assistant sur Sodome et Gomorrhe de Robert Aldrich. "Un bandit qui ruinera l'honnête producteur Lombardo".
Photo avec Miou-Miou & Robert Charlebois pour Un génie, deux associés, une cloche. Produit et co-réalisé par Sergio Leone. |
En 1959, Sergio Leone accepte de terminer Les derniers jours de Pompeï de Mario Bonnard, malade ce dernier ne peut poursuivre le tournage. Vient ensuite son premier long-métrage Le colosse de Rhodes, un péplum un genre très populaire à l'époque. Après ce premier essai concluant le jeune homme s'apprête à révolutionner le monde du western, avec Pour une poignée de dollar, adaptation de Yojimbo / Le garde du corps, d'Akira Kurosawa avec dans le rôle principal, un inconnu aux yeux des spectateurs qui deviendra une icône du cinéma : Clint Eastwood.
"Je me disais que les adaptations de Karl May marchait bien en Allemagne. Alors, j’envisageais un western en Italie. J’avais vu Yojimbo de Kurosawa. Le thème me plaisait : Un homme arrive dans une ville où deux bandes rivales se font la guerre. Il se place entre les deux camps pour mieux les démolir."
Après de nombreux déboires juridiques pour cette adaptation non-officielle, Sergio Leone enchaîne avec Pour quelques dollars de plus et le dernier chapitre de sa trilogie : Le Bon, la Brute et le truand sorti en 1966. Avec ce long-métrage le cinéaste connaît enfin le succès critique tant désiré.
Sergio Leone envisage la production d'Il était une fois en Amérique, mais les studios Hollywoodien lui réclament à nouveau un western... En 1968, Paramount produit son prochain film : Il était une fois dans l'Ouest. "Les producteurs me laissaient carte blanche et c’est cela qui a guidé mon choix". Pour le scénario, le cinéaste travaille avec Dario Argento, alors journaliste, et Bernardo Bertolucci. L’écriture dure vingt jours. Le découpage des scènes, préparé avec Sergio Donati, lui prend deux mois : "Très vite, j’avais mon film en tête. Je voulais faire un ballet de morts en prenant comme matériel tous les mythes ordinaires du western traditionnel : le vengeur, le bandit romantique, le riche propriétaire, la putain".
A l'orée des seventies, Sergio Leone ne veut plus réaliser de western, le cinéaste a toujours espoir de tourner sa fresque Américaine. Mais le contexte politique difficile post-soixante huitard Européen - les fameuses "années de plomb - avec les groupuscule terroriste de la bande à Baader en Allemagne de l'Est et les Brigades Rouges en Italie pousse finalement le réalisateur à revoir sa copie. Le metteur-en-scène veut produire un long-métrage sur la révolution mexicaine - un Western Zapata - Il était une fois la Révolution. Il souhaite confier les rênes à Peter Bogdanovitch mais le contact entre les deux hommes passe mal... Le metteur-en-scène se tourne alors vers Sam Peckinpah, celui-ci accepte la proposition mais United Artist aidée des deux comédiens principaux obligent finalement Sergio Leone à réaliser lui-même ce métrage une semaine avant le début du tournage. Réécrit dans l'urgence, le cinéaste choisit d'en faire un film-manifeste sur le miroir aux alouettes de la politique. "ce n'est pas mon film préféré, mais c'est celui qui m'est le plus cher, comme l'est un enfant malformé. J'ai beaucoup souffert avec lui".
Quant à sa dernière œuvre maîtresse, Il était une fois en Amérique, voit enfin le jour en 1983... A la fin de cet entretien, Sergio Leone nous décrit l'ouverture de son chef-d'oeuvre inachevé : Les 900 jours de Stalingrad.
"Je commence par un gros plan des mains de Chostaskovitch. Elles sont sur les touches de son piano… La caméra sera sur un hélicoptère, hors de la maison, et le gros plan sera pris au travers de la fenêtre ouverte. Nous voyons les mains qui cherchent les notes de la Symphonie de Leningrad. Et le compositeur les trouve. Cette musique est répétitive. Elle commence avec trois instruments, puis cinq, puis dix, puis vingts puis cent… Et mon ouverture sera faite sur cette musique. En un seul plan-séquence. Un plan séquence comme on n'en a jamais fait : La caméra quitte le gros plan des mains du compositeur. Elle va en arrière. Nous découvrons sa chambre. On en sort par la fenêtre. C'est la rue. L'aube. Deux civils sortent de cette rue. Chacun porte un fusil. Et ils montent dans un tramway. La caméra suit le tramway. La musique continue. Le tramway s'arrête plusieurs fois. Des civils le prennent. Ils sont tous en armes. Enfin, le tramway arrive en banlieue. Il s'arrête sur une petite place où se trouve se trouvent déjà plusieurs autres tramways. Et, à coté d'eux, ce sont des camions qui attendent. Les tramway se vident. Tous les passagers étaient des hommes armés… Pas de femme. Les hommes montent dans les camions. La caméra suit les camions. Toujours la musique. Toujours le même plan. Pas de coupes. Pas d'inserts. Et nous arrivons devant les premières tranchées qui protègent la ville. La musique de plus en plus forte. Il y a de plus en plus d'instruments. Les Russes s'installent dans la tranchées. Et tout d'un coup, la caméra va vers la steppe. Immense. Vide. La musique monte de plus en plus. Jusqu'à ce que la caméra ait traversé la steppe pour prendre, en enfilade, mille blindés Allemands prêt à tirer. Et, dès les premiers coups de canon, mêlés à la musique, je coupe ! Plan suivant : Un rideau s'ouvre. C'est le concert de Chostakovitch. Cinq milles personnes dans la salle. Cent quatre-vingts musiciens jouent. Et alors
GÉNÉRIQUE !"
Sergio Leone, James Coburn & Rob Steiger sur le tournage d'Il était une fois la Révolution. |
Quant à sa dernière œuvre maîtresse, Il était une fois en Amérique, voit enfin le jour en 1983... A la fin de cet entretien, Sergio Leone nous décrit l'ouverture de son chef-d'oeuvre inachevé : Les 900 jours de Stalingrad.
"Je commence par un gros plan des mains de Chostaskovitch. Elles sont sur les touches de son piano… La caméra sera sur un hélicoptère, hors de la maison, et le gros plan sera pris au travers de la fenêtre ouverte. Nous voyons les mains qui cherchent les notes de la Symphonie de Leningrad. Et le compositeur les trouve. Cette musique est répétitive. Elle commence avec trois instruments, puis cinq, puis dix, puis vingts puis cent… Et mon ouverture sera faite sur cette musique. En un seul plan-séquence. Un plan séquence comme on n'en a jamais fait : La caméra quitte le gros plan des mains du compositeur. Elle va en arrière. Nous découvrons sa chambre. On en sort par la fenêtre. C'est la rue. L'aube. Deux civils sortent de cette rue. Chacun porte un fusil. Et ils montent dans un tramway. La caméra suit le tramway. La musique continue. Le tramway s'arrête plusieurs fois. Des civils le prennent. Ils sont tous en armes. Enfin, le tramway arrive en banlieue. Il s'arrête sur une petite place où se trouve se trouvent déjà plusieurs autres tramways. Et, à coté d'eux, ce sont des camions qui attendent. Les tramway se vident. Tous les passagers étaient des hommes armés… Pas de femme. Les hommes montent dans les camions. La caméra suit les camions. Toujours la musique. Toujours le même plan. Pas de coupes. Pas d'inserts. Et nous arrivons devant les premières tranchées qui protègent la ville. La musique de plus en plus forte. Il y a de plus en plus d'instruments. Les Russes s'installent dans la tranchées. Et tout d'un coup, la caméra va vers la steppe. Immense. Vide. La musique monte de plus en plus. Jusqu'à ce que la caméra ait traversé la steppe pour prendre, en enfilade, mille blindés Allemands prêt à tirer. Et, dès les premiers coups de canon, mêlés à la musique, je coupe ! Plan suivant : Un rideau s'ouvre. C'est le concert de Chostakovitch. Cinq milles personnes dans la salle. Cent quatre-vingts musiciens jouent. Et alors
GÉNÉRIQUE !"
Cet ouvrage est rempli d'anecdotes croustillante sur ses tournages comme par exemple, son énorme coup de gueule contre Rob Steiger face à son jeu "Actor studio", que Sergio Leone ne voulait absolument pas sur Il était une fois la révolution. On y apprend aussi des choses étonnantes : Des producteurs ont proposé plusieurs projets, adaptations comme Corto Maltese d'après les albums d'Hugo Pratt, Le Parrain alors que le roman de Mario Puzo était encore sur épreuves ou Dino de Laurentiis voulait que le cinéaste réalise Flash Gordon ! Celui-ci était tenté mais il a dû malheureusement renoncé en constatant que le projet n'avait plus rien à voir avec les dessins d'Alex Raymond... L'une des oeuvres que le réalisateur rêvait de mettre-en-scène est Voyage au bout de la nuit de Louis Ferdinand Céline, ouvrage majeur de la littérature Française. Sergio Leone avait même obtenu l'approbation de la veuve de l'écrivain, tandis que Michel Audiard s'occupait de l'adaptation… Autre découverte intéressante le cinéaste fut également pour un jour l'assistant d'Orson Welles à Rome, et plus longuement celui d'Émile Couzinet dans ses studios de Bordeaux. Des parrainages étrangement différents et bien moins connus que celui de Vittorio De Sica.
Enfin Sergio Leone donne son avis sur la "jeune génération" de Steven Spielberg à John Boorman. Et Le cinéma des années 80, avec ses talents montants Francis Ford Coppola, Martin Scorsese, Stanley Kubrick en tête. Sans oublier ces metteurs-en-scènes qui ont sa profonde admiration comme Akira Kurosawa, Claude Sautet et John Cassavetes.
Marlène Jobert & Sergio Leone au Festival de Cannes en 1972. |
Outre sa passion immodérée pour "le Septième Art", nous découvrons dans cet entretien son amour pour l'art et la peinture ! Car Sergio Leone possède chez lui des toiles de maître : d'Henri Matisse & Giorgio De Chirico. Quant à son bagage intellectuel, celui-ci date de l'après-guerre, adolescent le cinéaste accompagnait son père sur ses tournages, il découvre ainsi le cinéma Américain et ses héros magiques : Gary Cooper, Errol Flynn, Humphrey Bogart, mais aussi tous les films de Charlie Chaplin. Dans sa lointaine jeunesse le jeune Sergio Leone dévorait également les fumetti, Bandes-dessinées d'aventure et les romans noirs de Dashiemm Hammett, Raymont Chandler, James Cain...
À la manière d'Orson Welles, Sergio Leone fabrique et raconte sa propre légende, celle d'un authentique créateur. Je recommande cet ouvrage indispensable aux éditions de la Petite bibliothèque des Cahiers du Cinéma. Une réédition a été publié en 1999, agrémenté d'une préface de Noël Simsolo, nous racontant son amitié avec ce grand faiseur.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire