L'un des derniers chef-d'oeuvre de Sam Peckinpah. Le cinéaste sortait à l'époque de l'échec en salle de Tueur d'élite. Et à cause de ses nombreux problèmes de drogue et d'alcool, le réalisateur devenait petit à petit un pariât au sein d'Holywood. Lorsque Bloody Sam, annonce vouloir monter un projet de film pendant la seconde guerre mondiale, sur le front Russe avec le point de vue des soldats Allemands et ne comportant aucuns soldats Américains à l'écran. Le cinéaste ne trouve aucun financement de la part des producteurs et des studios Hollywoodien. Sam Peckinpah est alors obligé de s'envoler vers l'Europe pour pouvoir monter Croix de Fer. Le tournage s'effectue en Yougoslavie, l'aventure devient vite cauchemardesque avec des manques évidents de moyens logistiques et d'argents, mais le cinéaste rentabilise chaque centime de son budget serré dans sa mise-en-scène toujours aussi inventive. Malheureusement les vieux démons et les différents penchants auto-destructeurs du réalisateur sont de retours, rendant la production chaotique.
Basé sur un livre publié en 1956 de Willie Heinrich : la Peau des hommes. Cet ouvrage raconte une partie de la véritable histoire de Johann Schwerdfeger. Un sous-officier Allemand ayant reçu de nombreuses décorations au sein de la Wehrmacht, dont la prestigieuse, croix de chevalier de la croix de fer avec feuilles de chêne, remise pour bravoure exceptionnelle sur le champ de bataille. Ce soldat est l'une des sources d'inspiration du caporal Steiner, interprété par James Coburn.
En 1943, sur le front Russe, après leur défaite de Stalingrad, les troupes Allemandes battent en retraite vers la péninsule de Kouban jusqu'en Crimée. Venant de France, un officier Prussien, le capitaine Stranky, fraîchement débarqué sur le champ de bataille, convoite la croix de fer. Ce dernier rentre en conflit avec le caporal Steiner, un chef de peloton aguerri, cynique apprécié par ses hommes.
Rare au cinéma sont les films traitants du conflit en Russie - Les exemples me venants en tête sont Requiem pour un massacre & Stalingrad -. Le point de vue des soldats Allemands, n'est également pas fréquent, peu de cinéaste, ont apporté leur regards dessus - Walkyrie ou La chute. Sam Peckinpah prends à contre pied, le cinéma de guerre classique.
L'ouverture de Croix de fer pose immédiatement l'ambiance : La comptine Allemande, Hänschen Klein - Petit Jean - et Horst-Wessed-Lied, hymne du Troisième Reich, entonnées par des coeurs enfantins, un montage alternant des photos d'archives montrant des images des jeunesses Hitlériennes, les discours du führer et sa vie paisible à Berchtesgaden. De l'autre côté les soldats Allemands affamés, démunies sur le front Russe lors de la retraite, puis une explosion annonce, "Directed by Sam Peckinpah". D'emblée le spectateur est dans le ton. Bloody Sam a toujours aimé exposer les enfants faces à la violence ou à la guerre. c'est avec ce long-métrage, ou le cinéaste ira le plus loin en montrant des corps d'enfants et en les tuants de plein champs.
Le cinéaste livre une oeuvre guerrière, anti-militariste, rappelant Attaque de Robert Alrich. Dont d'ailleurs Sam Peckinpah reprend la technique de la caméra épaule, une méthode un peu disparu sur ce genre. Le discours politique sur l'absurdité de la guerre est bien présent : En témoigne, la scène de l'hôpital militaire, ou des soldats blessés au front, sont salués par un officier. Le gradé tend sa main à un homme amputé, l'infirme lui tend ses deux moignons, puis l'infirme lui tend le pied, gêné le supérieur hiérarchique s'en va.
Le récit est sombre, désespéré, Croix de fer est certainement l'une de ses oeuvres les plus nihilistes, pourtant le réalisateur avait posé la barre haute avec Apportez-moi la tête d'Alfredo Garcia.
I believe God is a sadist, but probably doesn't even know it. |
Affiche japonaise |
L'un, le caporal Steiner est un soldat issu du peuple, profondément humaniste, aimé de ses camarades. Ces derniers sont sa seule raison de vivre, cet homme vivant dans une époque touchant à sa fin, espère dans un sens que cette guerre ne finisse jamais. L'archétype du personnage Peckinpahien : "Chez moi, je n'ai plus de chez moi. Le monde n'est plus pour nous, comment pourrions-nous vivre après ce que nous avons fait". Et de l'autre, un officier aristocrate de la bourgeoisie Prussienne, rêvant d'obtenir "la croix de fer", ne connaissant rien à la guerre et à ses nombreux champs de bataille. En voulant se faire muté de Biarritz au front Russe, l'officier comprendra rapidement son erreur, il sera prêt à tout les coup bas pour obtenir sa décoration, même si cela doit être entaché par le sang de ses hommes.
Ses deux protagonistes sont des métaphore : L'un incarnant cette violence institutionnelle et l'autre la violence primaire.
Le récit n'est pas manichéen. le capitaine Stransky n'appartient ni aux S.S, ni au parti Nazi. Ces soldats se battent pour la Wehrmacht et non pas pour une quelconque idéologie puante, n'hésitant pas à critiquer le führer. Bloody Sam livre une parabole d'un pacifisme impossible, sur l'absurdité de la guerre. Dans un conflit armé ou sur le front, les héros n'existent pas, les soldats sont seulement de la chair à canon. Lorsque le capitaine Stransky, dissimule l'avancée des troupes Russes au bataillon de Steiner. Sam Peckinpah, montre alors la survie d'un groupe d'homme, ayant la peur au ventre face aux chars soviétiques. Ils tentent de se faufiler entre les lignes ennemies, l'escouade arrive dans une garnison tenue par des femmes soldats. Deux troufions face à leurs pulsions sexuelles vont mourir. Le plus jeune poignardé dans le dos et le second, un S.S du parti nazi, particulièrement cynique et violent, sera castré.
Affiche Japonaise |
Le long-métrage se conclu sur une idée de génie. Commençant le dernier acte, comme un véritable western guerrier, puis le film prend une drôle de direction, se clôturant de manière assez osé, sur le rire à gorge déployé de Steiner face à Stransky, peureux et peu débrouillard, l'officier est incapable de recharger une arme. Le générique final aux allures de tombeau, clôt Croix de fer avec des images d'enfants Juifs, Tziganes, Polonais derrières les barbelés d'un camp de concentration.
Steiner, is a myth. Men like him are our last hope and in that sense, he is a truly dangerous man. |
Visuellement, c'est du pur Sam Peckinpah. La photographie aux tons verts dominant donne un rendu poisseux à l'image, avec cette impression de mort régnant sur le champ de bataille. Le cinéaste n'utilise pas de CinémaScope, un choix judicieux ainsi Bloody Sam n'iconise pas la guerre.
Lors des séquences dans le couchage, le spectateur ressent ou s'imagine l'enfermement, la puanteur ambiante, d'ailleurs l'un des soldats ne se lave plus.
Avec Croix de fer, le cinéaste, nous montre son art de prédilection, poussé ici à son paroxysme : Les ralentis. On ressent l'inspiration que Sam Peckinpah a eu sur certains réalisateurs comme John Woo. L'un des premiers plans, quand James Coburn, jette au ralentis son chargeur, fait immédiatement penser au cinéma de l'Hong-Kongais.
Les séquences de guerres sont chaotiques, l'humanité ayant disparu du champs de bataille, on assiste alors un véritable déluge de ferraille, de sang et de feu. Le réalisateur utilise pour la première fois, la caméra porté pour retranscrire ce désordre à l'écran, donnant un style documentaire. Le spectateur peut suivre jusqu'à cinq point de vue différent en l'espace d'une dizaine de secondes, ce montage morcelé à l'extrême, triture l'image comme on déchire les chairs. Deux scènes sont tout de même lisibles : La première, lors de l'infiltration en territoire ennemi, Bloody Sam filme en long plan large. Et l'autre, pendant la mort de l'escouade sous le feu des balles alliées, avec Steiner en vengeur tuant à bout portant, le désarmé, capitaine Triebig responsable du massacre.
Les séquences de guerres sont chaotiques, l'humanité ayant disparu du champs de bataille, on assiste alors un véritable déluge de ferraille, de sang et de feu. Le réalisateur utilise pour la première fois, la caméra porté pour retranscrire ce désordre à l'écran, donnant un style documentaire. Le spectateur peut suivre jusqu'à cinq point de vue différent en l'espace d'une dizaine de secondes, ce montage morcelé à l'extrême, triture l'image comme on déchire les chairs. Deux scènes sont tout de même lisibles : La première, lors de l'infiltration en territoire ennemi, Bloody Sam filme en long plan large. Et l'autre, pendant la mort de l'escouade sous le feu des balles alliées, avec Steiner en vengeur tuant à bout portant, le désarmé, capitaine Triebig responsable du massacre.
Fait rarissime au cinéma, l'armement utilisé dans Croix de fer est réaliste. Avec la présence d'authentiques chars Soviétiques T-34, habituellement remplacé dans les films de guerre par des Shermans ou des chars récents. Les armes de poings utilisées sont également représentées par le MP40 Allemand et le PPSh-41 Russe, utilisé par le caporal Steiner.
Avec son visage marqué par le temps, James Coburn, brûle la pellicule par son charisme indéniable, en soldat désabusé et usé par cette guerre avançant sans but. Steiner se bat pour le lien fraternel de ses compagnons de fortune, le soldat sortira même de sa retraite dorée, pour revenir au front. Rarement l'acteur n'a jamais était aussi bien mis en valeur, arrivant à retranscrire à la perfection la dualité de son personnage, avec cette attirance et en même temps cette répulsion pour la guerre. Maximillian Schell, en officier Allemand Aristocrate, prêt à tout pour avoir sa médaille. Le comédien à cette prestance nécessaire pour faire ressortir ce coté bourgeois. Le grand James Manson, acteur de génie, en vieux colonel de la Wehrmacht, fatigué par cette guerre interminable.
Avec Croix de fer, Sam Peckinpah signe une oeuvre anti-militariste, sans aucun héroïsme ou la violence l'emporte toujours. Le cinéaste dissèque la nature humaine pendant la guerre : Une grande absurdité ou la folie l'emporte. Un chef-d'oeuvre à voir absolument !
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