Nous sommes en 1986. Le petit monde du comics-book Américain est sclérosé. Les super-héros n'ont plus le succès d'antan. Cette situation s'apprête à changer du tout au tout. D'abord grâce à Watchmen - Les Gardiens de l'Anglais peu connu Alan Moore, celui-ci malmène le mythe des héros en collant et révolutionne le genre.
La même année. Un autre génie enfonce le clou et choisit de remuer les lecteurs Américains. Il s'appelle Frank Miller. Auteur de Ronin ou du renouveau de Daredevil, il s'attaque à une autre légende : Batman. A la fois scénariste et dessinateur, il accouche d'un électrochoc, d'un monument The Dark Knight Returns. Une bande-dessinée immensément noire, déconstruisant le mythe du justicier adulte, réfléchie, percutante, qui à passionnée quatre vingt-cinq milles lecteurs… Aujourd'hui encore, son oeuvre reste l'une des dix meilleures histoires sur le Caped-Crusader, et un récit qui prend aux tripes de la première à la dernière page. Après ce chef d'oeuvre du 9ème Art, rien n'a plus été pareil...
Depuis quelques années Warner Bros Animation propose annuellement des Direct-To-Video originaux ou des adaptations de célèbre comics-book comme Batman : Year One ou Killing Joke. Ces œuvres sont destinées à un public adulte, la classification aux États-Unis est PG-13. The Dark Knight Returns est produit par Bruce Timm, l'homme à tout faire sur la série télévisée des années 90, Batman : The Animated Serie.
La même année. Un autre génie enfonce le clou et choisit de remuer les lecteurs Américains. Il s'appelle Frank Miller. Auteur de Ronin ou du renouveau de Daredevil, il s'attaque à une autre légende : Batman. A la fois scénariste et dessinateur, il accouche d'un électrochoc, d'un monument The Dark Knight Returns. Une bande-dessinée immensément noire, déconstruisant le mythe du justicier adulte, réfléchie, percutante, qui à passionnée quatre vingt-cinq milles lecteurs… Aujourd'hui encore, son oeuvre reste l'une des dix meilleures histoires sur le Caped-Crusader, et un récit qui prend aux tripes de la première à la dernière page. Après ce chef d'oeuvre du 9ème Art, rien n'a plus été pareil...
Depuis quelques années Warner Bros Animation propose annuellement des Direct-To-Video originaux ou des adaptations de célèbre comics-book comme Batman : Year One ou Killing Joke. Ces œuvres sont destinées à un public adulte, la classification aux États-Unis est PG-13. The Dark Knight Returns est produit par Bruce Timm, l'homme à tout faire sur la série télévisée des années 90, Batman : The Animated Serie.
Gotham-City. Ses tours. Ses nuits sans étoiles. Ses criminels... Mais les choses ont changé. Dans son manoir, Bruce Wayne a vieilli. Terriblement vieilli. Batman n'est plus, cela va faire dix ans qu'il a pris sa retraite. Ses vieux ennemis, Le Joker, Pile-ou-Face, sont internés dans l'ancien asile d'Arkham, devenu depuis un "foyer pour les victimes du trouble du comportement". Ses amis eux aussi ont subi les outrages du temps, le commissaire Gordon doit très bientôt prendre sa retraite. Mais avant cela, le taux de criminalité a explosé dans la mégalopole, la cause ?! un nouveau groupe de criminels appelé le "Gang des Mutants". Un rassemblement de jeune mené par un leader belliqueux et brutal. Dans le même temps, Harvey Dent ressuscité par l'aide d'un psychiatre et d'un chirurgien plastique qui lui redonne un visage, un vrai, un seul. Et dans la cité de Gotham-City, dans la nuit, Bruce Wayne ne cesse de revenir sur le lieu, Crime Alley, où Batman est né. Le milliardaire repense à la mort de ses parents ainsi qu'à la vague de crime qui s'est abattue sur sa ville. Bruce n'est plus lui même depuis la retraite de son alter-égo héroïque. Et si le Chevalier Noir faisait son grand retour ?
Tout commence par la vision d'un Bruce Wayne usé par l'âge. Pour déconstruire l'image du justicier de Gotham-City, Frank Miller place son récit dans la retraite de Batman. Le spectateur assiste ainsi à un étrange spectacle en voyant ce héros diminué et perclus de tous les maux de la sénescences. En outre, on redécouvre d'autres personnages tels que James Gordon ou encore Harvey Dent. Tout à changé, rien n'est plus pareil... C'est cette première impression qui surprend quand on visionne The Dark Knight Returns, cette volonté affirmés dès le départ par l'auteur de rebâtir le mythe de Batman pierre par pierre.
Frank Miller ne se contente pas d'une projection dans l'avenir du personnage pour mettre un point ultime à son histoire avec Le Joker. Il fait le constat d'une ville meurtrière où chaque individu est une victime potentielle qui viendra grossir les statistiques de la criminalité, dans une ambiance paranoïaque qui rappelle des passages désespérés des romans de Patricia Cornwell.
Le premier acte, c'est évidemment la nature de Batman lui-même. Frank Miller dévoile avec sa vision vieillie du justicier un héros devenu amer et de plus en plus extrémiste. le Chevalier Noir choisit de faire mal, de ne plus prendre de précautions pour épargner les criminels qu'il pourchasse. De ce fait, l'oeuvre est un récit extrêmement violent, à l'image de son principal acteur. Pourtant loin de contenter de cette vision simpliste, Frank Miller approfondit son propos.
D'abord par l'histoire avec Harvey Dent. A l'instar de Pile-ou-Face, les changements superficiels n'ont pas réussi à effacer la véritable nature de Batman. Que ce soit la chirurgie pour l'un où les années pour l'autre, ils restent toujours au fond d'eux ces monstres inadaptés à la vie ordinaire. L'un verse dans le crime, l'autre emploie sa violence pour combattre le mal. Cette brutalité pourtant n'est qu'un reflet. Celui d'un monde où elle s'est banalisée. La criminalité a changé, la population s'enferme à double tour chez elle. The Dark Knight Returns a des similitudes avec le RoboCop de Paul Verhoeven (sorti également en 1986, d'ailleurs Frank Miller travailla comme scénariste sur les deux suites du cyber-policier), pour sa lecture intelligente de l'actualité et sa critique envers la société Américaine.
Frank Miller en profite également pour étriller ce courant d'analyse psychiatrique absurde en traitant de manière frontale les dérives psychologiques (le cas Double-Face) et dénonce avec violence les psychiatres qui trouvent des excuses envers les monstres de la société.
À travers cette histoire de "vigilante" vieillissant qui reprend du service après une longue retraite, Frank Miller explore le thème de la radicalisation, qui touche les seniors dans nos bonnes sociétés démocratiques, où sont sans cesse remises en question les notions de justice et leurs corollaires, le laxisme, la répression, la bien-pensance, le fascisme.
The Dark Knight Returns évoque également un conflit générationel entre les hommes qui se sont fait pendant la Seconde Guerre Mondiale et ceux qui les succèdent dans cette Amérique moderne. Comme ce dialogue entre James Gordon et sa future remplaçante Ellen Yindel concernant les agissements de Batman :
Ellen Yindel : "En fait, je vous admire depuis que je suis toute petite. Mais je m'explique pas nos divergences quant à Batman."
James Gordon : "Ne parlons pas de Batman voulez-vous ?"
Ellen Yindel : "Je ne comprend pas que vous cautionniez un justicier. Nous devons appliquer la loi !"
James Gordon : "Vous avez sûrement entendu des vieux comme moi parler de Pearl Harbor. Nous racontons que nous nous sommes levés comme un seul homme juste après pour aller régler son compte à l'Axe ! La vérité, c'est qu'on était paralysé par la peur ! Les rumeurs circulaient. Nous n'avions pas d'armée, on se terrait tous au fond de nos lits avec nos draps sur la tête ! Et ensuite, on a entendu le discours du président Roosevelt à la radio. Sa voix était ferme. Il était fort et sûr de lui. Et c'est là qu'il a transformé notre peur en courage et en combativité. C'est grâce à lui qu'on a gagné la guerre. Des années après, la rumeur circulait que Roosevelt était au courant de l'attaque et qu'il avait laissé faire. J'avoue que ça m'a retourné. Je me disais que si cette histoire était vraie, c'était horrible. Mais encore une fois, c'est ce qui nous a fait prendre part au conflit. Des milliers d'hommes sont mort ce jour-là, mais au final, ça a sauvé la vie de millions d'autres. Ça m'a trotté dans la tête jusqu'à ce que je réalise que je n'étais pas de taille à juger l'événement et encore moins l'homme. Que ça me dépassait."
Ellen Yindel : "Je ne vois toujours pas le rapport avec Batman."
James Gordon : "Ça viendra peut-être un jour."
Le fameux complot de Pearl Harbor dont parle James Gordon est une fumisterie très controversée qui affirme que le Président Roosevelt était au courant de l'attaque et que celui-ci laissa faire pour provoquer l'indignation de la population et faire entrer les États-Unis dans la guerre. Cette théorie fut avancée par les officiers déchus par les différentes commissions d'enquêtes sur l'assaut Japonais contre la base Américaine.
Le fameux complot de Pearl Harbor dont parle James Gordon est une fumisterie très controversée qui affirme que le Président Roosevelt était au courant de l'attaque et que celui-ci laissa faire pour provoquer l'indignation de la population et faire entrer les États-Unis dans la guerre. Cette théorie fut avancée par les officiers déchus par les différentes commissions d'enquêtes sur l'assaut Japonais contre la base Américaine.
Le fascisme n'est jamais loin. Le paradoxe ne fait que s'accentuer quand on revient sur Batman lui-même. Au fur et à mesure, il se fait plus sombre et désespéré. Le Chevalier Noir ne trouve plus d'autre plaisir de vivre que de se battre. Sa sortie de retraite le fait revivre. Le milliardaire a besoin de Batman comme Gotham a besoin de son héros nocturne. Car sa croisade contre le mal, son obsessif combat contre les criminels a besoin d'être assouvi d'une façon ou d'une autre. Au fond, Bruce Wayne ne pense qu'à lui et qu'à ce qui a construit son univers depuis la mort de ses parents, et qui s'est encore renforcé avec la mort de Jason Todd, le second Robin, Batman se résume en plusieurs mots : Ambigu, violent, ténébreux et extrémistes.
Et par dessus cela, une nouvelle couche de politique s'ajoute
La récupération des actes de Batman est donc en route. le maire de Gotham-City, dans un vent de démagogie, commence à vouloir négocier avec le leader du "Gang des Mutants", les politiciens de la mégalopole sont des couards alors que ses malfrats se répandent dans la mégalopole.
L'auteur de The Dark Knight Returns n'a jamais caché ses opinions Républicaines et conservatrices, le discours de son oeuvre déplaira certainement à celles et ceux qui ont le coeur à Gauche. Quand un badaud est interviewé par une chaîne de télévision au coin d'une rue, il déclare "On devrait défendre les droits des criminels, ces gens sont victimes du cadre dans lequel ils vivants, et méritent d'être réinséré s avec notre aide… hein ?… Ah non, je ne suis pas de cette ville !".
L'autre point essentiel de The Dark Knight Returns, c'est la place prépondérante des médias. Tout au long du récit, un très large part de la narration passe par le journal télévisée. Le vaste "Gang des Mutants" met donc Gotham-City à feu et à sang. Les flash des chaînes d'informations relaient leurs moindres exactions avec moult détails sordides - meurtres d'enfants, tueries gratuites…, la police est dépassée par les événements. Cela n'a bien entendu rien d'innocent. Déjà en 1986, Frank Miller s'attaque virulemment à la télévision. Il emploie ici dans deux buts principaux : Offrir une vision de la réaction vis-à-vis de Batman et détruire ce média infiniment nuisible.
Frank Miller utilise l'hégémonie de la société du spectacle pour tourner en ridicule l'utilisation des plus bas instincts de l'homme pour faire de l'audience. Dans ce contexte, la résurgence de Batman s'apparente à un retour à des valeurs traditionnelles à l'opposé des paillettes et du mercantilisme outrancier d'un capitalisme impitoyable.
Ainsi, on voit s'opposer différent protagonistes (dont Lana Lang de Superman) sur l'écran autour du comportement à adopter au retour de Batman. Mais cette constante intervention des médias fausse l'image du héros, la télévision devient peut-être le plus dangereux ennemis de l'homme ?! L'utilisation de ces talk-shows est magistrale. Le spectateur assiste donc en direct à la récupération des actions de Batman par l'industrie de la télévision. Non seulement ce dispositif narratif nous permet de mesurer l'impact de Batman dans la société Américaine, mais aussi les différentes valeurs morales qui vont se cristalliser face à cette légende urbaine... La démonstration de Frank Miller s'avère aussi terrifiante que visionnaire. Terriblement visionnaire.
In The Next Episode … "Batman, Chérie !" |
Jay Olivia fait le bon choix de créer sa propre mise en scène, se réappropriant la narration tout en restant extrêmement fidèle au comic-book de Frank Miller. Si au final ce résultat reste inférieur à la version papier, forcément ici The Dark Knight Returns est édulcoré et moins féroce politiquement. Cette adaptation conserve heureusement toute la noirceur et l'intérêt, posant ainsi les enjeux et les personnages dans une seconde partie qui s'annonce musclée.
Lorsque Bruce Wayne se remémore le douloureux événement de Crime Alley, les cinéphiles les plus aguerris remarqueront un extrait du Signe de Zorro de 1940 avec Tyrone Power.
L'un des points faibles vient de l'absence "des pensées" qui enrichissait énormément les différents protagonistes et leurs actions. Pourtant cette idée avaient été gardé dans l'adaptation de Batman : Year One.
La musique de Christopher Drake accompagne à la perfection les scènes principales, l'atmosphère dégagé par sa musique est sombre et héroïque.
Pour la version Française et les nostalgiques, nous retrouvons deux vétérans de Batman : The Animated Serie. Jacques Ciron en éternel Alfred & Jean-Claude Sachot interprète le commissaire James Gordon.
Oeuvre terriblement visionnaire et fondamentale non seulement sur notre société contemporaine, de Batman, mais du comics-book dans son ensemble, The Dark Knight Returns envoie Frank Miller au firmament. Extrêmement dense et intelligente, transfigurant totalement la figure du justicier et se jouant du politiquement correct, l'oeuvre fait date. On pourrait encore écrire des pages sur ce chef-d'oeuvre mais on le résumera par un mot : Culte.
Couverture originale. |
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