vendredi 16 mai 2014

L'Aube Rouge (1984)

Quand John Milius, scénariste d'Apocalypse Now et réalisateur de Conan le barbare, illustre la guerre et en fait le cadre d'un passage de l'âge adolescent à celui d'adulte, cela donne L'Aube Rouge. Ainsi le metteur-en-scène crie haut et fort, sa pensée du communisme et sa conception de ce qui fait un homme véritable.

Le scénario a été écrit par le cinéaste et Kevin Reynolds (connu pour Robin des bois : Prince des voleurs) tiré du récit de ce dernier. A l'origine, l'intrigue appelée Ten soldiers (Dix soldats) était similaire au livre Sa majesté des mouchesCe roman de William Golding publié en 1954, montre la fragilité de la civilisation, d'enfant livré à eux même et de la nature agressive de l'homme. Lors de l'élaboration du script, l'histoire connu quelques changements, de l'évolution d'un conflit au sein d'un groupe de jeunes, les scénaristes ont pensé à l'opposition entre les adolescents et leurs oppresseurs.



Avant de commencer le tournage du film, les comédiens ont subi un entrainement et une formation militaire intensive de huit de semaines. Lors du visionnage de L'Aube Rouge, la MPAA - Motion Picture Association of America - a délivrée pour la première fois la fameuse classification PG-13, lors de la sortie en salle du long-métrage


Un groupe d'adolescents, étudiant dans un collège du Colorado, sont pris au piège dans la troisième guerre mondiale, Les différents blocs communistes viennent d'envahir les Etat-unis. Les jeunes se transforment donc en groupe de résistance appelé "Wolverine", pratiquant des actes de terrorismes et de guérilla envers l'occupant.


Cette uchronie, résume le mieux les idées de son cinéaste. A l'époque pour John Milius, le communisme équivaut à la troisième Guerre Mondiale, et pour s'en sortir, la seule solution c'est de prendre les armes, être un chasseur d'âme et d'éradiquer l'armée rouge. Pour une production de 1984 , L'Aube Rouge est irréaliste, car l'Amérique est toujours en pleine guerre froide contre le Bloc Est. Si un Rambo II : La mission, sortie à la même période, peut véhiculer du second degré, ici chez le réalisateur, le récit est à prendre au sens propre du terme. Sa démonstration peut paraitre, un peu extrémiste au point de faire peur lorsqu'on n'imagine l'homme derrière le cinéaste, mais le moins que l'on puisse dire c'est qu'à l'écran, le résultat est explosif et jouissif.

John Milius fait preuve d'une générosité à l'image pendant plus de deux heures. Nous embarquant sans temps mort, au coeur de cette troisième guerre mondiale qui se substituera avec violence et réalisme à la niaiserie d'un système d'éducatif, avec ses professeurs racontants des faits historiques, portés par leurs belles paroles. Ces jeunes, écoutants le matin même leur instituteur parler de tactique guerrière, comprendront vite, que la réalité est toute autre, bien plus radicales que celle des livres d'histoires. Le cinéaste livre sa conception à part entière, de l'homme et de sa virilité, avec ses valeurs guerrières véhiculées : Les traites, méritent un seul sort, la mort et la bravoure peut faire gagner le respect de l'ennemi. Les femmes sont mises sur le même pied d'égalité que leurs semblables ces d'adolescents deviendront malgré-eux de véritables petits soldats, capables de subvenir à leurs propres besoins sans l'aide de personne, habiles au couteau, apte à tuer pour se nourrir et se défendre. Pas de grands sentiments, ni de tirades pompeuses, L'aube rouge les élagues à l'extreme et se borne à encenser les comportements primaires dans une telle situation.

La détermination de ce groupe d'adolescents, avec lequel le réalisateur prend un malin plaisir à faire évoluer, est aussi l'un des traits de caractère de John Milius. Ce dernier véhicule sa conception de la bravoure, cher à Theodore Roosevelt son modèle, le président des Etats-Unis est cité une nouvelle fois dans l'une de ses oeuvres. Dans ce portrait, on reconnait les principes et les thèmes de son cinéaste, que l'on retrouve le long de sa filmographie : Conan le barbareL'adieu au roi et Le lion et le vent.

L'Aube Rouge n'est pas un long-métrage patriotique bas du front. Ici, aucun plan sur la bannière étoilée, nous ne sommes pas dans une production sponsorisée par la présidence Reagan. L'ennemi communiste peut-être humanisé faisant preuve de pitié, car le traitement de cette uchronie, délivre un véritable message de lucidité sur la guerre et ses conséquences.


L'intrigue s'étend dans le temps - environs six mois - décrivant ainsi ce conflit long et pénible, qui fragilise les alliances, usant ses hommes et ses femmes et met en exergue des comportements désespérés. Par petites touches le réalisateur réussi à densifier son récit, en générant l'émotion de façon épique, à l'image du sort poignant des deux frères.


Bizarrement, le réalisateur n'a jamais été considéré comme l'égal d'un Martin ScorseseBrian De Palma ou de Francis Ford Coppola. Alors que ses oeuvres sont généralement très bien réalisées et mise-en-valeur. La réalisation de John Milius est brutale sans aucun compromis. La narration de l'intrigue est claire, précise et radicale. Sa mise-en-scène est lisible, carrée, très dynamique et jamais tape à l'oeil. Sa caméra, s'infiltre pour nous embarquer derrière les lignes ennemies, en plein coeur de ce conflit ou la pitié n'a pas sa place, comme la scène ou les soldats mitraillent les élèves par la baie vitrée de la salle de classe.

Une question reste en suspend : Pourquoi le cinéaste n'a pas opté pour un CinémaScope ? Pour mettre en valeur tous ces superbes paysages du Colorado, peut-être pour ne pas tomber dans un coté trop esthétique de l'image. Ses décors naturels ont pour but de faire évoluer les personnages, John Milius maitrise donc ses grands espaces, sans leur donner ce côté naturaliste, ainsi le spectateur peut rentrer de plein fouet dans l'histoire.

Comme pour Conan le babare, le grand Basil Poledouris retrouve le cinéaste. Le compositeur signe la bande originale de L'Aube Rouge. Aux musiques collants parfaitement à l'atmosphère inquiétante. Le mélomane retrouvera d'ailleurs l'univers et les sonorités Soviétiques avec À la poursuite d'Octobre Rouge de John McTiernan.

La direction des jeunes comédiens est parfaite. Patrick Swayze, convaincant en charismatique leader du groupe d'adolescents luttant pour leur survie contre les forces d'occupations communistes. Son frère est interprété par Charlie Sheen, l'acteur incarne son premier grand rôle au cinéma. On retrouve aussi la jeune Lea Thompson (Retour vers le Futur, Howard… une nouvelle race de héros) en recrue rejoignant l'escouade, devenant une véritable guerrière. 

John Milius laisse un peu de place à quelques adultes dans son récit. L'apparition de Powers Boothe (Nixon), vétéran de guerre désabusé, stabilise le groupe, le rendant ainsi plus stratège, et moins chaotique pour ses interventions futures. Autre personnage clef, le colonel Bella - Ron O'Neal - apporte une dimension ambiguë très intéressante. A noter les courtes apparitions du vieux Ben Johnson (Guet-Apens) et d'Harry Dean Stanton (Alien, le 8ème passager, New-York 1997) ce père réclamant vengeance à ses fils.

L'Aube Rouge est une jolie réussite, sans message moralisateur avec cette réflexion percutante sur les enjeux et les conséquences d'un conflit armé. Mais aussi le passage à l'âge adulte, avec une analyse comportementale d'un groupe face à un événement extraordinaire : La troisième guerre mondiale. Un véritable film coup de poing, dont on devine le caractère bien trempé de son cinéaste : John Milius 


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