Après l'échec commercial de son chef-d'oeuvre nihiliste, Le Grand Silence, Sergio Corbucci retrouve l'interprète de son Django, Franco Nero le ténébreux blond aux yeux bleus. Engagé par le producteur Alberto Grimaldi, le cinéaste remplace au pied levé, Gillo Pontecorvo - Réalisateur de La Bataille d'Alger & Queimada. Ce dernier abandonne ce futur projet, peu inspiré, et motivé à l'idée de mettre en scène un Western.
L'intrigue initiale est signée Franco Solinas, l'une des plumes attitré de Gillo Portecorvo également responsable de Monsieur Klein ou d'État de Siège. El Mercenario devient une véritable hydre à six têtes, - Six scénaristes différents se pencheront dessus - Sergio Corbucci apporte aussi des modifications au récit, en rajoutant une décontraction propre à son cinéma, le cinéaste trouve les dialogues et certaines situations trop théâtrale, avec un véritable côté "Bretchien" par moment.
L'intrigue initiale est signée Franco Solinas, l'une des plumes attitré de Gillo Portecorvo également responsable de Monsieur Klein ou d'État de Siège. El Mercenario devient une véritable hydre à six têtes, - Six scénaristes différents se pencheront dessus - Sergio Corbucci apporte aussi des modifications au récit, en rajoutant une décontraction propre à son cinéma, le cinéaste trouve les dialogues et certaines situations trop théâtrale, avec un véritable côté "Bretchien" par moment.
El Mercenario est un Western Zapata, sous genre du Western Italien, dont le chef-d'oeuvre sera bien entendu Il était une fois la Révolution de Sergio Leone. Ce long-métrage est le premier segment d'une trilogie initié par Sergio Corbucci sur la révolution Mexicaine, suivront ensuite Compañeros & Mais qu'est-ce que je viens foutre au milieu de cette révolution ?.
Ainsi cette fable sociale sur fond de révolution Mexicaine permet au talentueux Sergio Corbucci de renouveler avec la réussite en Italie.
A la veille de la révolution Mexicaine, une mine est victime d'une mutinerie conduite par le péon Paco Roman, cet homme a fait exécuter les contremaîtres et a humilié publiquement son responsable, Alfonso Garcia. Les propriétaires en voyage États-Unis, souhaitent transférer les sept tonnes de lingot d'argent vers l'Amérique du Nord, pour cela ils embauchent un mercenaire, le capitaine Sergei Kowalski surnommé "Le Polak", l'homme est réputé pour ses qualité de tireur. Mais ce dernier est poursuivi par Curly, dit "le bouclé", responsable d'un casino véreux…
Dès son introduction, El Mercenario, nous montre son aspect profondément politique : "Il vaut mieux être un clown vivant qu'un héros mort". Le long-métrage n'hésite pas à nuancer sa vision révolutionnaire par ce trio d'hommes aussi cupides qu''intrépides.
Grâce à son talent, le cinéaste arrive donc à donner à ses personnages un charisme à toute épreuve. Franco Nero & Tony Musante sont tous deux époustouflants, et savent se rendre extrêmement sympathique malgré leur cruauté effective. L'un, "Le Polak", est un mercenaire n'ayant d'yeux que pour l'argent et ne s'en cache jamais. Dès lors qu'il reçoit son dû, peu importe les contrats, ses principes flexibles et son absence d'amour propre lui permettent d'accepter toute offre. C'est un salaud, mais un salaud cordial en plus d'être un as de la gâchette. L'autre, Paco Roman, sous couvert d'une révolution légitime selon lui, devient le Poncho Villa du pauvre, cet homme va se laisser gagner par cette soif de pouvoir qu'il tente de combattre par des réflexions idéalistes grâce à Colomba, cette femme est certainement la plus humaine du trio, elle incarne le véritable esprit révolutionnaire, dans ses bons et mauvais côtés. Quant à Curly dit "le bouclé", ce dernier est un riche dandy sadique aux tendances homosexuelle, avec un côté vengeur en s'acharnant contre ces derniers.
Le ton du long-métrage reste léger, loin du nihiliste habituel du cinéaste. Sergio Corbucci livre sa vision avec ce péon devenant un révolutionnaire du jour au lendemain, se servant ou se faisant manipuler par "l'étranger" pour atteindre leur propre objectif : Richesse, pouvoir, amour et idéalisme politique. Le réalisateur ironise sur les révolutionnaires en démontrant cette idéologie politique "voler au riche pour donner aux pauvres" n'est qu'un leurre pour cacher cette soif d'argent et de pouvoir. L'adage étant plutôt "voler aux riches pour donner aux révolutionnaires", prétextant la contribution nécessaire à cette révolution, tout en laissant le peuple à sa misère. Le cinéaste nous rappel également que les révoltes populaires ne sont pas des idées romantiques comme tant d'autres l'ont laissé croire, les conséquences et sacrifices ne sont pas anecdotiques, loin s'en faut…
Comme beaucoup de long-métrage de genres Italiens de l'époque, El Mercenario a un sous-texte politique noyé dans la farce et l'action, qui permet une lecture autre que le simple divertissement. Déjà, le fait que le mercenaire donnant le titre au film soit un polonais n'est sûrement pas le fruit du hasard. Moins ancré dans le vécu révolutionnaire que le James Coburn Irlandais d'Il était une fois la Révolution (le personnage sera dans le film de Sergio Leone directement en phase avec les évènements relatés puisqu'ayant réellement été un combattant contre l'autorité dans son pays pour un idéal d'indépendance), le « Polak », comme est surnommé notre héros a surtout valeur de symbole. La Pologne, après avoir connu une éphémère période de liberté après le premier conflit mondial, tombe, comme de nombreux pays européens sous la domination soviétique au sortir du second, pour former ce fameux bloc de l'est de la guerre froide. Mais le pays sera l'une des "républiques" les plus réfractaires au régime communiste de ce bloc, contestation grandissante qui aboutira au mouvement Solidarność de Lech Wałęsa en 1980, mais ceci est une autre histoire...
Toujours est-il que le personnage du Polak est symptomatique d'une certaine conviction communiste Européenne de l'Ouest qui est entre deux chaises de plus en plus écartées. Car le communisme des années 1930, utopique et plein d'espoir, a une certaine gueule de bois près de quarante ans plus tard : Les exactions et massacres perpétrés par Staline commencent alors à être bien connus, d'autant que les pays communistes sont devenus pour la plupart des dictatures. Ainsi notre Polak cristallise-t-il les contradictions d'une espérance idéologique, le polonais étant à la fois le représentant d'une révolution réussie, le communisme, mais aussi le contestataire à l'intérieur de celle-ci. Il est aussi l'image de l'ingérence des pays étrangers dans ces révolutions et guerres indépendances qui se multiplient depuis la fin des années 1940. Et, de par son comportement, il préfigure tous ces chefs révolutionnaires qui, après avoir accéder au pouvoir, deviennent ce qu'ils ont combattu, des despotes ou des corrompus : Il suffit de voir les conditions contractuelles qu'impose le Polak à son acolyte révolutionnaire pour ses services, au point par exemple de monopoliser l'eau de ses compagnons assoiffés lors d'une pénible traversée de désert, juste pour prendre une douche, allusion ironique à la main-mise des grandes puissances sur les richesses des pays qu'ils contrôlent, notamment Moscou avec ses pays satellites, mais, Européen parmi des Mexicains, le mercenaire représente tout autant les États-Unis alors engagés au Viêt-Nam.
On le voit, ce Polak est chargé en symboles, et toutes ces allusions plus ou moins explicites au communisme, dans ce qu'il a de bon comme de mauvais, sont forcément liées à la présence de Franco Solinas parmi les scénaristes d'El Mercenario, qui n'aura de cesse d'injecter ses idées ainsi que ses désillusions politiques dans ses écrits pour le cinéma, de La Bataille d'Alger (Gillo Pontecorvo, 1965) à État de Siège (Costa-Gavras, 1972), en passant par Queimada (encore Gillo Pontecorvo, 1968), Salvatore Guiliano (Francesco Rosi, 1961) ou L'assassinat de Trosky (Joseph Losey, 1971). Communiste depuis son adolescence, le scénariste n'hésitera pas à politiser ses histoires même écrites pour le Western transalpin, comme Trois pour un Massacre (Giulio Petroni, 1969), El Chuncho (Damiano Damiani, 1966) ou Colorado (Sergio Sollima, 1965) qui se dérouleront tous dans le contexte remuant du Mexique du début du siècle dernier, terrain propice à l'allégorie politique.
La désillusion du scénariste est d'autant plus appuyée par les évènements internationaux contemporains au tournage et à la sortie de ce film, c'est-à-dire la guerre du Viêt-Nam, et surtout, plus proche des communistes européens, le Printemps de Prague, qui voit Léonid Brejnev, dirigeant l'U.R.S.S., sept jours avant la sortie du film, envoyer les chars écraser une tentative de libéralisation de ce qui était alors la République Socialiste Tchécoslovaque. D'ailleurs des unités de l'armée polonaise participèrent à cette répression, ce qui renforcerait a posteriori la symbolique du Polak dans le film de Sergio Corbucci, mais c'est peut-être aller un peu loin…
Comme beaucoup de long-métrage de genres Italiens de l'époque, El Mercenario a un sous-texte politique noyé dans la farce et l'action, qui permet une lecture autre que le simple divertissement. Déjà, le fait que le mercenaire donnant le titre au film soit un polonais n'est sûrement pas le fruit du hasard. Moins ancré dans le vécu révolutionnaire que le James Coburn Irlandais d'Il était une fois la Révolution (le personnage sera dans le film de Sergio Leone directement en phase avec les évènements relatés puisqu'ayant réellement été un combattant contre l'autorité dans son pays pour un idéal d'indépendance), le « Polak », comme est surnommé notre héros a surtout valeur de symbole. La Pologne, après avoir connu une éphémère période de liberté après le premier conflit mondial, tombe, comme de nombreux pays européens sous la domination soviétique au sortir du second, pour former ce fameux bloc de l'est de la guerre froide. Mais le pays sera l'une des "républiques" les plus réfractaires au régime communiste de ce bloc, contestation grandissante qui aboutira au mouvement Solidarność de Lech Wałęsa en 1980, mais ceci est une autre histoire...
Toujours est-il que le personnage du Polak est symptomatique d'une certaine conviction communiste Européenne de l'Ouest qui est entre deux chaises de plus en plus écartées. Car le communisme des années 1930, utopique et plein d'espoir, a une certaine gueule de bois près de quarante ans plus tard : Les exactions et massacres perpétrés par Staline commencent alors à être bien connus, d'autant que les pays communistes sont devenus pour la plupart des dictatures. Ainsi notre Polak cristallise-t-il les contradictions d'une espérance idéologique, le polonais étant à la fois le représentant d'une révolution réussie, le communisme, mais aussi le contestataire à l'intérieur de celle-ci. Il est aussi l'image de l'ingérence des pays étrangers dans ces révolutions et guerres indépendances qui se multiplient depuis la fin des années 1940. Et, de par son comportement, il préfigure tous ces chefs révolutionnaires qui, après avoir accéder au pouvoir, deviennent ce qu'ils ont combattu, des despotes ou des corrompus : Il suffit de voir les conditions contractuelles qu'impose le Polak à son acolyte révolutionnaire pour ses services, au point par exemple de monopoliser l'eau de ses compagnons assoiffés lors d'une pénible traversée de désert, juste pour prendre une douche, allusion ironique à la main-mise des grandes puissances sur les richesses des pays qu'ils contrôlent, notamment Moscou avec ses pays satellites, mais, Européen parmi des Mexicains, le mercenaire représente tout autant les États-Unis alors engagés au Viêt-Nam.
On le voit, ce Polak est chargé en symboles, et toutes ces allusions plus ou moins explicites au communisme, dans ce qu'il a de bon comme de mauvais, sont forcément liées à la présence de Franco Solinas parmi les scénaristes d'El Mercenario, qui n'aura de cesse d'injecter ses idées ainsi que ses désillusions politiques dans ses écrits pour le cinéma, de La Bataille d'Alger (Gillo Pontecorvo, 1965) à État de Siège (Costa-Gavras, 1972), en passant par Queimada (encore Gillo Pontecorvo, 1968), Salvatore Guiliano (Francesco Rosi, 1961) ou L'assassinat de Trosky (Joseph Losey, 1971). Communiste depuis son adolescence, le scénariste n'hésitera pas à politiser ses histoires même écrites pour le Western transalpin, comme Trois pour un Massacre (Giulio Petroni, 1969), El Chuncho (Damiano Damiani, 1966) ou Colorado (Sergio Sollima, 1965) qui se dérouleront tous dans le contexte remuant du Mexique du début du siècle dernier, terrain propice à l'allégorie politique.
La désillusion du scénariste est d'autant plus appuyée par les évènements internationaux contemporains au tournage et à la sortie de ce film, c'est-à-dire la guerre du Viêt-Nam, et surtout, plus proche des communistes européens, le Printemps de Prague, qui voit Léonid Brejnev, dirigeant l'U.R.S.S., sept jours avant la sortie du film, envoyer les chars écraser une tentative de libéralisation de ce qui était alors la République Socialiste Tchécoslovaque. D'ailleurs des unités de l'armée polonaise participèrent à cette répression, ce qui renforcerait a posteriori la symbolique du Polak dans le film de Sergio Corbucci, mais c'est peut-être aller un peu loin…
Une idée reprise dans Kill Bill - Volume 1, avec la fameuse liste de Beatrix Kiddo. |
La mise en scène bénéficie d'une redoutable efficacité, généreusement illustrée par un Sergio Corbucci en forme, ne lésinant pas sur les cadavres et la violence pour illustrer ses propos. Mais, les différentes séquences d'actions ont un côté amusant assumées notamment lors de la première attaque de banque avec "Le Polak" rayant sa petite liste - Une idée reprise évidemment Kill Bill - Volume 1 -.
El Mercenario fait partie des films qui vous marquent la rétine grâce à une photographie maîtrisée et des mouvements de caméra inspirés. Le cinéaste est vraiment doué pour insérer du dynamisme à ces images, et ces plans possèdent une touche particulière. Le duel finale dans l'arène fait bien entendu penser à Et pour quelques dollars de plus, mais le réalisateur ne singe pas bêtement, et nous montre un affrontement bien pensé.
El Mercenario fait partie des films qui vous marquent la rétine grâce à une photographie maîtrisée et des mouvements de caméra inspirés. Le cinéaste est vraiment doué pour insérer du dynamisme à ces images, et ces plans possèdent une touche particulière. Le duel finale dans l'arène fait bien entendu penser à Et pour quelques dollars de plus, mais le réalisateur ne singe pas bêtement, et nous montre un affrontement bien pensé.
Franco Nero incarne un mercenaire malin et cynique, allumant ses allumettes n'importe où, les dents d'un homme venant l'arrêter, les seins d'une prostituée, les bottes d'un pendu… Et son duo complémentaire avec Tony Musante, fonctionne à merveille, au contraire d'un Thomas Millian, le comédien n'essaye pas de voler la vedette et ne cabotine pas. Jack Palance en bad-guy à l'aspect dandy est malheureusement en retrait. La ravissante Giovanna Ralli, très convaincante, n'est pas une potiche et qu'un atout charme, son personnage est vraiment utile à l'intrigue du récit, servant de conscience aux deux brigands.
La composition d'Ennio Morricone, en collaboration avec Bruno Nicolai - compositeur de Caligula de Tinto Brass - parvient à transcender la pellicule. Ses inspirations alternes entre le flamenco et le folklore Mexicain, apportant un certain rythme et une poésie à ce récit. Quelques thèmes musicaux d'El Mercenario seront d'ailleurs repris par Quentin Tarantino dans Kill Bill - Volume 2 & Inglorious Basterds.
Remarquable Western Zapata, ironisant les idéaux révolutionnaires, renvoyant dos à dos les idéologies "Avec l'idéalisme, il arrive parfois qu'on creuse sa propre tombe !". Le long-métrage de Sergio Corbucci à une tonalité propre aux films Italiens de cette époque, mélangeant avec brio humour et dénonciation acerbe de certains côtés peu enthousiasmants du genre humain. El Mercenario ce classe au côté de Far West Story du cinéaste, je conseil donc ce Western à tous les amateurs du genre…
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